Par nature, l'altermondialisme est une forme nouvelle d'internationalisme dont la particularité par rapport aux quatre internationales qui l'ont précédé est de ne pas être soumis à un centre qui dicte la pensée et les actes. L'altermondialisme est en soi un rejet de la forme d'action proposée par le léninisme et pratiquée par les deux internationales qui s'en sont réclamés. Les altermondialistes récusent les organisations hiérarchiques pyramidales. Ils fonctionnent en réseaux. Avec une réelle efficacité pour mobiliser les opinions publiques illustrée par quelques victoires retentissantes sur des dossiers très souvent délaissés par les gauches socialistes ou léninistes : l'abandon de l'AMI (voir ci-dessous), le retrait de la plainte introduite par 39 multinationales pharmaceutiques contre le gouvernement sud-africain, la prise de conscience des dangers des OGM, la prise de conscience des dangers du réchauffement climatique, les mobilisations contre l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) dont M. Hollande ignorait même qu'il dépendait de l'OMC...
L'altermondialisme est né d'une convergence : celle d'associations et d'ONG, issues de la société civile - au sens gramschien et non pas anglo-saxon de l'expression - chacune active dans un domaine bien précis (genre, enfance, droits humains, écologie, développement, actions humanitaires,...) et découvrant progressivement qu'elles se heurtent au même mal : la mondialisation, nom donné à la phase présente du développement du capitalisme caractérisée par une dérégulation et une financiarisation à l'échelle de la planète.
Ces associations et ONG ont constaté que nulle part, ce segment de la vie politique qu'on appelle la gauche n'a été capable d'offrir une réponse à cette mondialisation qui soit conforme aux valeurs de justice et de solidarité. Elles ont même observé que c'est très souvent la gauche qui, au prétexte de l'encadrer, a été le moteur de cette mondialisation : c'est à des socialistes qu'on doit, dans plusieurs pays d'Europe, des législations dites de "déréglementation financière" ; c'est au socialiste Jacques Delors qu'on doit l'Acte unique européen et le traité de Maastricht, véritables chevaux de Troie de la mondialisation ; tous les partis socialistes soutiennent les accords de l'OMC dirigée aujourd'hui par l'un d'entre eux, Pascal Lamy ; l'Europe était gouvernée par une majorité de gouvernements socialistes lorsqu'elle a adopté la stratégie de Lisbonne et les décisions de Barcelone, documents destinés à aller plus loin encore dans la dérégulation, la mise en concurrence et la privatisation ; tous les partis membres du Parti socialiste européen ont soutenu le très néolibéral traité constitutionnel européen et tous soutiennent le principe d'une zone de libre-échange américano-européenne.
Face à cette désertion de l'acteur politique censé, dans le rapport de forces éternel entre les puissants et les autres, protéger les acquis de décennies de luttes politiques et sociales, riposter aux agressions et conquérir ces nouveaux espaces définis par les droits collectifs, face à cette acceptation du capitalisme comme l'ordre naturel des choses, les associations et les ONG, conscientes qu'elles étaient le témoin d'une formidable défaillance politique, et non pas d'un phénomène incontournable, ont proclamé qu'il n'y a pas de fatalité, que cette mondialisation n'est qu'un choix politique auquel on peut lui en opposer d'autres, qu'il y a des alternatives et qu'un autre monde est possible.
La première fois, ce fut en 1998, alors que, dans le plus grand secret, les gouvernements négociaient ce qu'ils avaient l'intention d'appeler "accord multilatéral sur l'investissement" (AMI) dont l'effet aurait été de soumettre la souveraineté des Etats à la discrétion des firmes transnationales. Des rumeurs avaient suscité une inquiétude mondiale. Interrogés alors, des ministres socialistes qui participaient aux négociations se voulaient rassurants. Jusqu'au jour où des fuites ont permis de connaître l'enjeu réel de cette négociation. Ce qui a suscité de telles protestations qu'à moins d'exploser, la toute jeune "gauche plurielle" française a été contrainte de retirer la France de la négociation, mettant de la sorte fin à celle-ci. Mais le même gouvernement Jospin a soutenu la reprise du projet sous une autre forme et dans un autre cadre : à l'OMC, où Pascal Lamy le commissaire européen alors en charge, l'a poussé avec une telle insistance qu'il a provoqué l'échec de la conférence ministérielle de l'OMC à Cancun en 2003, un groupe de 90 Etats s'y opposant résolument. Le combat contre l'AMI en 1998 fut le combat fondateur du mouvement altermondialiste et ce n'est pas un hasard si quelques années plus tard, à Cancun, un lien s'est créé entre de nombreuses ONG et