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En garde à vue avec Karim, 17 ans, multirécidiviste
a
27 juin 2006 19:41
Le Monde, France



Karim paraît bien sage, tassé sur sa chaise. Mais ce grand adolescent de 17 ans à la moustache naissante est aussi un délinquant, un "multirécidiviste", comme disent les policiers, arrivé dans le bureau les menottes aux poignets. Depuis près de vingt heures, ce jour de juin, Karim (son prénom a été modifié) est en garde à vue au commissariat d'Evry (Essonne) pour avoir "planté" un camarade avec un couteau de cuisine. Une nouvelle étape dans son parcours délinquant : ces trois dernières années, les policiers l'ont mis en cause pour une vingtaine d'infractions.



"On le voit quasiment tous les deux mois. Jusque-là, il faisait quarante-huit heures de garde à vue et il était libéré. Donc il nous prenait pour des c.ons", se désole Christophe Capelle, 32 ans, lieutenant de police. Karim ou l'exemple-type, pour les policiers, des effets désastreux du sentiment d'impunité des mineurs délinquants. Et donc de la nécessité, à leurs yeux, de réviser la justice des mineurs, notamment l'ordonnance de 1945, comme le préconise le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.

Cette fois-ci, c'est une "histoire de banlieue" des plus banales qui a conduit le jeune homme à l'hôtel de police : une fille qui le regarde "mal", une claque pour la remettre à sa place, le copain de la fille qui le "traite" et Karim qui rentre chez lui, prend un couteau de cuisine et retourne sur la place poignarder le jeune homme. A quelques centimètres près, le coup aurait pu être mortel mais la victime, majeure, s'en sort avec un passage aux urgences et dix jours d'interruption temporaire de travail (ITT).

Très calme, visiblement serein malgré vingt heures de garde à vue, Karim fait face au brigadier Fabien Bourat, 30 ans. Le policier l'interroge pour tenter de mesurer le caractère prémédité de l'acte : "Pourquoi tu l'as planté ?

- Vas-y. Il m'a énervé. Je sais pas ce qu'il voulait montrer à la meuf mais voilà. Je sais pas pour qui il s'est pris. Il m'a dit "casse-toi". Je l'ai planté. J'avais la rage.

- Ton but, c'était quoi ?

- Je voulais pas le planter. Je voulais me battre avec lui, j'avais la rage."

Aucun regret exprimé. Au contraire même : ne supportant pas que la victime ait porté plainte, Karim menace de représailles. Il s'inquiète parce que son frère a également été placé en garde à vue pour avoir tenté de faire pression sur la famille du jeune homme agressé. "Quand je sors, dit-il, je vais le défoncer. Moi, je suis enfermé comme un chien et lui, il rigole dehors. Il fait trop la victime. Faut qu'il arrête, il est chelou."

La gardienne de la paix, Halima Merzouk, 28 ans, tente de le raisonner : "Si tu fais le c.on, tu vas prendre des années de prison." Son collègue Fabien Bourat insiste : "Si jamais tu ressors et que tu refais une c.onnerie, c'est fini." Peine perdue, Karim s'énerve : "Vas-y. Il prend ma famille pour des pédés, il dépose plainte, la retire, la remet... Si je vais pas en prison tout de suite, sur le Coran, je me le fais. Si c'est pas lui, c'est son frère."

La victime craint visiblement les représailles : après avoir hésité, elle a retiré sa plainte en indiquant que, partageant sa confession musulmane et connaissant sa famille, elle pardonnait son agresseur. Les menaces de Karim sont également prises très au sérieux par les policiers : à Evry, début mai, un jeune homme est décédé après avoir été poignardé pour une histoire de rivalité entre quartiers. Des expéditions punitives avaient ensuite été organisées par des proches de la victime.

Pour les policiers, Karim est une caricature des mineurs récidivistes face auxquels ils se sentent désarmés. Les fichiers informatiques mentionnent une vingtaine d'infractions commises en trois ans, des vols avec violence, des dégradations, la détention illégale d'armes, des outrages, des violences sur agent. Depuis cinq ans, il a été écroué, en détention provisoire, une seule fois de janvier à mars 2006 pour vol à main armée.

En patrouille dans les quartiers sensibles d'Evry, les policiers de la BAC (brigade anticriminalité) du commissariat désignent du doigt de nombreux mineurs délinquants, interpellés à de nombreuses reprises mais pour lesquels aucune sanction n'a été prise. "Lui, on l'a déjà serré une dizaine de fois. Il est toujours dehors. Celui-là, il pèse 20 kilos tout mouillé et il a pas 15 ans mais a déjà fait plusieurs vols avec violence", raconte l'un des policiers. "Je dirais que 80 % des interpellations que l'on fait concernent des mineurs ou de très jeunes majeurs", relève Julien Martin, 32 ans, le lieutenant qui commande la BAC d'Evry. Le soir même, ses hommes interpellent un jeune de 11 ans impliqué, avec trois autres mineurs, dans un cambriolage. La "routine", la conséquence de l'"impunité", disent les policiers.

"Des types comme Karim, on les arrête, ils passent devant le juge des enfants. Ils sont placés en foyer, ils s'enfuient et ils recommencent", souligne Christophe Capelle. Le groupe de cinq policiers chargé des vols avec violence - deux par jour en moyenne sur la circonscription d'Evry (90 000 habitants) - y voit une des raisons de la participation fréquente de jeunes mineurs à des agressions crapuleuses, souvent commises en groupe, souvent très violentes.

Le commissaire principal, Jean-François Papineau, évoque des "gamins dressés au vol dès 5 ans" qui connaissent parfaitement les rouages de la justice. Karim en fait partie, qui connaît très bien les rôles respectifs des policiers, du juge des enfants, du procureur ou bien du juge des libertés et de la détention.

Dans sa cellule de garde à vue, il demande aux policiers quand il peut espérer sortir. La réponse tombe plus tard : estimant que le geste est grave et que sa remise en liberté comporte des risques de trouble à l'ordre public, le procureur a requis la mise en détention provisoire, ce que le juge des libertés et de la détention a accepté. Une information judiciaire a été ouverte pour tentative d'assassinat.

Karim a peut-être commis l'acte de trop mais la prison ne l'inquiète visiblement pas. En défendant son honneur au couteau, relèvent les policiers, il privilégie la loi de la cité sur tout le reste. "Karim comprend très bien sa situation. Mais, même devant nous, c'est la loi de la cité, celle qu'il vit vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qui le commande. La loi de la police et de la justice, il ne la croise que de temps en temps. Donc il n'a pas peur de nous dire qu'il va se venger", explique Fabien Bourat.

Le seul aspect qui semble gêner Karim, c'est le regard de sa mère. "La mettez pas en panique", demande-t-il aux policiers. Pendant une conversation plus informelle, le lieutenant Capelle lui demande s'il a souffert de sa première expérience carcérale : "Normal", "pas de souci". Il sait qu'il y retrouvera des copains de la cité. Et que son statut, dans le quartier, en sortira renforcé. Bien plus que s'il demeure dans son emploi, au fond des cuisines d'un fast-food.



Luc Bronner
Article paru dans l'édition du 28.06.06
a
27 juin 2006 19:50
au dela de ce drame , le journal le monde et colombani ont choisi clairement sarkozy et ils ne se cachent plus , le monde n'est plus ce qu'il etait .
"L'orgueil du savoir est pire que l'ignorance"
b
27 juin 2006 19:53
le journaliste qui s'improvise psychologue dans les trois dernières phrases... une interprétation dont on aurait pu se passer...
"Si les singes savaient s'ennuyer ils pourraient devenir des hommes." (Goëthe)
 
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