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Les filières de recrutement de la "guerre sainte" sont en place
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15 décembre 2004 16:18
Les filières de recrutement de la "guerre sainte" sont en place
LE MONDE | 15.12.04 | 14h15
L'Irak n'est pas encore une terre de djihad, mais les filières d'acheminement de "volontaires étrangers" sont déjà en place. Selon les premiers chiffres communiqués par la CIA aux services de renseignement occidentaux, seuls 40 individus étrangers auraient été recensés parmi les 2 000 prisonniers arrêtés à Fallouja lors des combats de novembre, qui auraient fait 2 200 morts côté irakien. Le pourcentage de 2 % de djihadistes est même avancé par les services américains, une donnée susceptible d'être revue à la hausse en fonction des interrogatoires en cours. Les officiers américains estiment en effet que des combattants pourraient avoir dissimulé leur véritable origine.

La détention en Irak, depuis 118 jours, des otages français Christian Chesnot et Georges Malbrunot aura au moins eu cet avantage : elle a conduit les services français de renseignement à augmenter leurs capacités opérationnelles dans la région. Cette montée en puissance, tant au niveau des effectifs que sur le plan des moyens techniques, a d'ores et déjà permis à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) d'identifier cinq Français présents en Irak : Boubakeur El-Hakim, en prison à Damas depuis août, Redouane El-Hakim, décédé le 17 juillet, Tarek Ouinis, décédé le 17 septembre, Abdel Halim Badjoudj, mort lors d'un attentat-suicide le 20 octobre, et enfin Fawzi D., désigné comme l'émir d'un groupe d'une vingtaine de combattants à Fallouja. "Il faut relativiser ce phénomène, assure-t-on dans les milieux du renseignement, la filière française demeure marginale."

Mais les filières, peu à peu, prennent de l'envergure. La présence de volontaires arabes remonte à la fin de l'année 2002, à l'initiative du régime irakien. Dès l'été 2003, la "guerre sainte" devient une motivation réelle. L'arrestation d'Hassan Ghul, le 22 janvier, en Irak, vient apporter la première preuve concrète de la présence du réseau Al-Qaida dans le pays. Il n'est autre que l'un des proches du comité directorial de la structure créée par Oussama Ben Laden, et peut entrer en contact avec Saïf Al-Adel, le n° 3 de l'organisation. Sa spécialité serait d'acheminer des volontaires dans les terres de djihad.

"RÉSEAUX EN CASCADE"

De plus en plus, les candidats au martyre, issus de cellules radicales internationalistes, intègrent alors les filières qui deviennent opérationnelles. Ces réseaux montent des attentats-suicides, comme ceux contre l'ONU à Bagdad, en août 2003, ou contre les forces italiennes à Nassiriya, en novembre 2003. "Leur fonctionnement repose sur le principe des "réseaux en cascade", résume un spécialiste du dossier. Il est fondé avant tout sur les relations personnelles entre les personnes qui animent ces réseaux. Le but, c'est avant tout d'obtenir une grande souplesse." Les opérations de police n'y font rien, ces réseaux demeurent actifs. D'autant qu'ils sont mis en place par de réels professionnels de la logistique, instruits de leur expérience dans les filières tchétchènes ou afghanes. Les services de renseignement ciblent ainsi les noms de Abderrazak Madjoub, un Algérien impliqué dans les filières européennes, interpellé en Allemagne en novembre 2003, et de Abou Hammam, alias "Mohammed Ali", arrêté par les forces spéciales britanniques le 10 octobre 2004, en partie grâce à des renseignements communiqués par la DGSE.

Le nombre de ces volontaires demeure difficile à évaluer. Ils seraient, d'après les services secrets, entre 1 000 et 2 000, le plus souvent originaires de Jordanie, de Syrie, d'Arabie saoudite, du Yémen, mais aussi du Koweït. Plusieurs lieux apparaissent stratégiques aux yeux des spécialistes du terrorisme. Le Liban tout d'abord, où le camp de réfugiés palestiniens d'Aïn El-Héloué servirait de base arrière à certaines filières d'acheminement vers l'Irak, sous l'égide de deux responsables : le Yéménite Ibn Al-Shahid Al-Yemeni, arrêté le 16 octobre 2003 par les Libanais, et le Syrien Fahd Ajami Akkach. Au nord du Liban, c'est le dirigeant salafiste Dai Al-Islam Chabal qui jouerait le rôle de recruteur.

La Syrie, du fait de son immédiate proximité avec l'Irak, est également pointée du doigt. Des groupes islamistes y sont chargés de contacter des jeunes d'origine européenne ou maghrébine, venus suivre des études coraniques dans les instituts religieux d'obédience salafiste radicale : l'école Al-Fateh Al-Islami, ou l'institut Zohra de Damas. Ils incitent ces étudiants à rejoindre l'Irak. Ce fut notamment le cas de Boubakeur El-Hakim, un Français détenu aujourd'hui par les Syriens.

Deux prédicateurs font l'objet d'une surveillance très stricte : l'imam Abdelaziz Al-Khatib, de la mosquée Al-Darwishiya et de l'institut Al-Kabbahdjia de Damas, et l'imam Abou Al-Daaqaa, de la mosquée d'Alep, qui multiplient les discours virulents envers l'Occident.

La Syrie demeure le principal pays de transit pour le djihad, à partir de la région frontalière d'Husaybah. Plusieurs raisons concourent à ce phénomène. Il est très facile, en Syrie, d'obtenir un visa de séjour temporaire dans le pays, dès lors que l'on est originaire d'un des Etats membres de la Ligue arabe. De plus, il est quasi-impossible pour les autorités syriennes de surveiller l'intégralité de la frontière avec l'Irak, d'autant que la corruption gangrène les services locaux de sécurité. Enfin, la présence dans la région de réseaux d'émigration clandestine et de trafiquants de stupéfiants permet de brouiller les pistes. L'Europe abrite aussi ces filières. Les services de renseignements en ont détecté en Allemagne, en Italie, en Belgique, en Espagne. Elles sont en contact permanent entre elles, mouvantes et fondues dans le paysage.

En Irak, toute une infrastructure s'est également développée. Le pays possède lui aussi, désormais, comme au Pakistan, des "maisons d'hôtes", notamment situées à Bagdad et à Fallouja. Elles sont spécialisées, comme certaines mosquées, dans l'accueil des ressortissants étrangers, en particulier yéménites et libanais, venus combattre "l'ennemi américain". La mosquée Ibn Taymiyya de Bagdad ferait partie du réseau.

Le groupe Al-Zarkaoui disposerait ainsi de plusieurs "maisons d'hôtes" à Bagdad, Fallouja et Mossoul. Dans un prêche, en septembre, diffusé par la chaîne Al-Jazira, le chef de guerre Abou Moussab Al-Zarkaoui ne s'est d'ailleurs pas privé de vanter les mérites de ses "volontaires étrangers".

Gérard Davet


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L'argent, nerf du djihad


Les services de renseignement tentent aussi de mieux comprendre les flux financiers alimentant la guérilla irakienne. L'argent, pour les djihadistes, demeure une préoccupation. Monter une filière, installer des réseaux dormants, payer les voyages, l'hébergement, les moyens de communication, tout cela coûte cher. Il faut de généreux donateurs, des complicités.

Les services secrets ont ainsi noté que le cheikh Hareth Souleiman Al-Dari était vu souvent en compagnie de Tarek Al-Issa, un cadre de l'organisation non gouvernementale koweïtienne Société pour le renouveau du patrimoine islamique. Le cheikh Abdel Sattar Al-Janali recevrait, lui, des milliers de dollars de l'idéologue saoudien Safar Al-Hanali. Quant à l'extrémiste Abou Moussab Al-Zarkaoui, il disposerait de ses propres réseaux financiers. L'argent serait collecté par ses émissaires à l'étranger, puis rapatrié par des porteurs en Irak. Il se chargerait ensuite personnellement de distribuer cette manne, tout en soutenant financièrement les familles des membres de ses cellules.

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 16.12.04
 
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