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Canada Real Galiana, bidonville de Madrid. 30.000 habitants. Abdul, un Marocain de 30 ans, reste assis sur les ruines de sa maison, démolie la veille sur ordre de la mairie après une mini "intifada" des voisins solidaires contre la police.
Comme lui, des milliers de familles craignent de recevoir l'avis fatidique de démolition de leurs logements illégaux.
La destruction, jeudi, de la maison d'Abdul a mis en ébullition ce bidonville situé à la périphérie est de la capitale.
L'arrivée de policiers pour déloger la famille a tourné en affrontement. Les agents ont été accueillis par des jets de pierres nourris. Ils ont riposté à coups de matraques et de tirs de balles en caoutchouc.
Bilan: une vingtaine de blessés, principalement des policiers.
"Où est ce qu'on va aller s'ils nous démolissent la maison? Un loyer coûte 800 euros et si je gagne 1.000 euros, comment je paie?", s'insurge Ahmed, un Marocain de 38 ans.
Quelque 200 personnes ont manifesté vendredi pour protester contre la "brutalité" des agents venus déloger la famille d'Abdul et contre de futures décisions judiciaires sur la destruction d'autres logements.
Ils sont allés protester devant la mairie de district la plus proche, marchant pendant trois bonnes heures en bordure d'autoroute...
Un premier sursis a été obtenu. Après les incidents de jeudi, un tribunal administratif de Madrid a prolongé de manière "indéfinie" le délai bloquant la démolition des maisons de sept familles roumaines.
Véritable "ville dans la ville" avec ses 2.000 logements illégaux, en majorité des maisons en dur confortables, Canada Real Galiana est loin d'être un bidonville ordinaire.
Les hommes travaillent, principalement dans la construction, les enfants sont scolarisés. Certaines maisons sont de vraies villas, pelouse et nains de jardins et antennes satellite compris. Tous piratent l'eau et l'électricité.
Construites sur d'anciens chemins de transhumance non constructibles depuis le XIIIe siècle, les maisons ont commencé à pousser comme des champignons il y a 40 ans, quand la dictature franquiste (1939-75) finissante s'est ouverte à l'économie de marché.
Depuis, les anciens paysans miséreux d'Estrémadure (est) et d'Andalousie (sud) reconvertis en ouvriers ont laissé place à une population principalement immigrée, marocaine, roumaine, ainsi qu'aux gitans sédentarisés.
Les terrains appartiennent légalement à la région de Madrid qui souhaite les récupérer. Plusieurs élus de la région et des ONG demandent un règlement global qui prenne en compte la situation des familles délogées.
Samira, lycéenne de 17 ans qui sèche les cours pour participer à la protestation, écrit des pancartes: "Non à la démolition! Nous sommes des personnes, pas des chiens!".
La jeune fille, voilée, qui rêve de devenir dentiste, est fascinée par la quantité de journalistes venus après les incidents: "Surtout dites qu'on est des gens bien, qu'il n'y a pas de trafic de drogue ici".
"La police devra peut-être me tuer pour que je parte d'ici!", affirme Guadalupe, une Espagnole de 35 ans qui habite depuis 15 ans dans le bidonville. "La bataille d'hier, on aurait dit l'Intifada en pleine Espagne", ajoute cette mère de famille, dont la maison, protégée par un grand portail et deux chiens est l'une des plus grandes du quartier.
"Je suis d'accord, c'est illégal, mais ils auraient dû nous le dire il y a 15 ans, quand on a construit la maison", affirme-t-elle.
Près des ruines de la maison rasée, des briques toutes neuves ont déjà été amenées. Abdul est déjà prêt à reconstruire un toit pour sa famille.
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