La campagne de Washington visant à empêcher la réélection du directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a subi un contrecoup lorsqu'il a été rendu public que Washington avait placé Mohamed ElBaradeï sur écoute. Le Washington Post écrivait dimanche que des responsables américains avaient passé au peigne fin des conversations téléphoniques entre le chef de l'AIEA et des officiels iraniens espérant les utiliser contre ElBaradeï. ElBaradeï, qui s'expimait en marge d'une conférence à Doubaï, n'a pas souhaité commenté l'information. "Je ne parlerai pas", a-t-il dit. "S'ils voulaient l'ébranler, ils auraient dû s'y prendre autrement", a dit, sous le couvert de l'anonymat, un diplomate européen à Reuters. "Cela ne fait que renforcer ElBaradeï."
Refusant de suivre la voie de la négociation ouverte par les Européens, l'administration Bush persiste à souffler sur les braises dans la crise liée aux activités nucléaires iraniennes. Au point que Washington a mis le diplomate égyptien Mohammed el-Baradei, chef de l'Agence internationale de l’énergie atomique, sur écoute téléphonique...
Mohammed el-Baradei - AFP
"Selon des officiels américains, l’administration Bush possède des douzaines d’enregistrements de conversations téléphoniques entre Mohamed el-Baradei et des diplomates iraniens. Elle les étudie scrupuleusement dans le but de trouver des éléments qui justifieraient le départ du diplomate de la tête de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA)", rapporte The Washington Post. "Ces efforts pour discréditer El Baradei montrent jusqu’où l’administration Bush est prête à aller pour remplacer un diplomate international qui n’adopte pas une approche la satisfaisant sur le dossier iranien", commente le quotidien américain. "Les enregistrements n’apportent pas de preuves d’une conduite suspecte d’El Baradei. Mais, au sein de l’administration, certains assurent qu'ils prouvent le manque d’impartialité du chef de l’AEIA, soupçonné d’aider l’Iran à se sortir de la crise diplomatique née de son programme nucléaire", ajoute le journal de la capitale américaine.
Les Etats-Unis expriment régulièrement leur mécontentement concernant les actions de l'AEIA. "L’Agence a joué un rôle central dans la gestion des quatre dernières crises majeures avec l’Iran, l’Irak, la Corée du Nord et le Pakistan", rappelle le Post. "Chaque crise a provoqué des tensions entre cet organisme et la Maison-Blanche, et ce n’est pas la première fois qu'El Baradei ou d’autres responsables des Nations unies sont la cible de campagnes d’espionnage." Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan lui-même, a d'ailleurs déjà été mis sur écoute par Washington.
Le dossier iranien est également une nouvelle pomme de discorde entre l’Europe et les Etats-Unis. "L’administration Bush critique l’attitude des Européens dans la gestion de la crise et n’approuve pas l’accord conclu en novembre", explique The New York Times. Le mois dernier, les diplomates britanniques, français et allemands ont conclu un accord avec l’Iran, qui s'engageait à suspendre immédiatement mais temporairement ses activités nucléaires ; un accord ensuite approuvé par les 35 membres du bureau de l’AEIA, au grand dam de Washington. "Nous savons que cet accord n'est pas parfait", commente un diplomate européen dans The New York Times. Ce diplomate indique par ailleurs que les Européens souhaitent que les Américains s'impliquent dans ces discussions. "Pour obtenir une suspension définitive des activités nucléaires, l’administration Bush doit participer aux négociations avec Téhéran et montrer sa volonté d’arriver à un accord comportant des compensations économiques et des garanties de sécurité pour l’Iran."
Pour la presse iranienne, les Etats-Unis s’acharnent sur le pays. Face à cette attitude, la seule solution consiste à se tourner vers l'UE. "Les Etats-Unis sont déterminés à s’opposer à l’Iran", titre Aftab e-Yazd. Le quotidien réformateur appelle donc les négociateurs à arriver à un accord avec les Européens alors que se sont ouvertes, le lundi 13 décembre 2004, les négociations irano-européennes à Bruxelles. "Il faut considérer cette réunion comme des plus importante, car c'est un rempart contre la détermination américaine à détruire l’Iran", explique Aftab e-Yazd. "Si les accords échouent, les Etats-Unis auront un prétexte pour nous attaquer", ajoute le quotidien. "Les négociations de Bruxelles sont cruciales", reconnaît la BBC Persian, car "elles peuvent déterminer le soutien futur dont l'Iran pourra bénéficier de la part de la communauté internationale". Pour l'Iran Daily, "il est évident que l’élimination du système islamique est l'un des plus grands désirs de l’Amérique". "Les Etats-Unis manquent actuellement de crédibilité internationale et d’influence pour attaquer militairement l’Iran", considère le quotidien anglophone. En conséquence, "Téhéran doit exploiter ce temps de sursis à son avantage et nouer des relations politiques et économiques avec des nations authentiquement libres".
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