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Dieudonné, candidat rebelle
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1 mars 2006 11:03
Dieudonné, candidat rebelle
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MICHEL VERNOCHET ET RODERIC MOUNIR

Paru le Samedi 25 Février 2006

. DIEUDONNE L’humoriste donnera une représentation exceptionnelle au Grand Casino de Genève, le 17 mars prochain. Candidat aux présidentielles françaises de 2007, il part en guerre contre le communautarisme responsable, selon lui, de la récente « crise des banlieues ».

Il n’a pas encore les 500 signatures nécessaires pour entrer dans la course. Pour l’heure, Dieudonné n’est que « pré-candidat », comme il le reconnaît lui-même. Il devrait être fixé d’ici quelques semaines, quand il aura sollicité les élus des 36 000 communes françaises. Après sa tentative avortée en 2002, cette fois sera-t-elle la bonne ? Entretien avec l’humoriste dérangeant, récemment encore relaxé par la justice, mais mis en cause par le porte-parole du PS Julien Dray après l’assassinat du jeune Ilan Halimi (lire page suivante).

Pourquoi cette candidature aux élections présidentielles ?

Dieudonné : C’est une candidature de combat contre la menace du néoconservatisme. En France, ce courant de pensée est en train de prendre progressivement le pouvoir. Il s’agit également pour moi de confronter la classe politique et les autres candidats à des questions de société essentielles. D’abord le communautarisme, dont certains se servent comme d’un levier politique. M. Sarkozy par exemple, qui cultive la peur de l’autre pour mieux se promouvoir. Par ailleurs, le petit caniche de M. Bush prône le démantèlement de l’Etat, le règne sans partage du libéralisme, la révision du code du travail et de la loi de 1905 sur la laïcité... Sur le fond, la gauche française aussi s’est déjà alignée sur l’axe néolibéral. J’irai à donc contresens de tout ce beau monde qui a renoncé à la République et tourné le dos au peuple, à contre-courant de tous les sarkozystes avoués ou honteux. Et je n’ai pas l’intention de leur faire plaisir.

Quel sera votre électorat ? Et votre programme ?

Je parle au nom de tous les Français privés de parole, les oubliés, les humiliés. Je suis le candidat du Pays réel qui s’exprime maintenant via la Toile. Nous sommes passés dans une autre dimension de la communication. Le Net court-circuite tous les réseaux médiatiques classiques. La cyber-Révolution a commencé. On n’en mesure pas encore l’impact. Quant à mon programme, il est clair : je veux remettre l’Etat au service des Français, lutter contre la paupérisation de la société française ravagée par le néolibéralisme. Là où « ils » veulent des consommateurs dociles, je veux des citoyens rebelles. Des citoyens qui, à l’occasion du référendum sur la Constitution pour une Europe libérale et américaine, ont clairement proclamé leur volonté de réhabilitation du pouvoir politique face au pouvoir marchand. Je veux en conséquence mettre en place un véritable plan Marshall pour les classes populaires, pour l’éducation, l’emploi, les salaires, la santé, la culture et la conscientisation politique. Pour cela, je m’inspire du projet de république bolivarienne de démocratie participative d’Hugo Chavez, au Venezuela, sous les auspices duquel j’ai placé cette campagne où Dieudo est appelé à rimer avec « Hugo ».

Vous êtes à la fois en tournée et en campagne présidentielle. Est-ce l’humoriste ou le candidat que les gens vont applaudir ?

C’est le libre-penseur, l’homme de bonne volonté. Je veux faire passer par le rire mon point de vue d’homme, tout simplement.

Vous venez de monter à Paris une pièce intitulée Emeutes en banlieues. Quelle a été la part du racisme dans cette crise ?

La société marchande n’a que faire des aspirations citoyennes de ses jeunes. Mieux, elle les redoute. Or, la France n’est pas un pays raciste. C’est un mensonge que de le dire. Cependant des associations comme SOS-Racisme cultivent un discours de « haine » dont la fonction semble avoir été, depuis vingt ans, de maintenir les jeunes des banlieues dans une franche hostilité à l’encontre de la République. Ceci pour mieux leur vendre le néolibéralisme en suscitant ces tensions intercommunautaires dont ils sont aujourd’hui les premières victimes.

Cette démagogie alimente une haine qui n’existait pas. Il est devenu urgent de dénoncer les vrais promoteurs de ce « racisme » si l’on veut réconcilier les Français. De ce point de vue, le danger est parfaitement localisé : il s’agit de tous ceux qui veulent utiliser le communautarisme pour diviser, creuser le fossé social intercommunautaire pour satisfaire leurs ambitions politiques. Il faut démasquer cette manoeuvre pour échapper à la logique d’affrontement intercommunautaire dans laquelle on essaie maintenant d’enfermer les Français. Dans les banlieues, tous aspirent, consciemment ou non, à une véritable citoyenneté. C’est le véritable sens de leur révolte, quelle qu’en soit la forme.

Mais le mal actuel dépasse la France et les banlieues ?

Dans le reste du monde, le néoconservatisme poursuit son entreprise de destruction et d’aliénation. Par la guerre - comme en Irak ou en Palestine - qui menace désormais l’Iran, la Syrie, ou peut-être même, qui sait, demain le Venezuela. Je dois ici dire ma grande tristesse quand je vois les médias de la République relayer sans la moindre réserve la propagande guerrière de l’Axe du Bien. En ce qui concerne l’Iran, ce pays est signataire du traité de non-prolifération nucléaire. Traité qui lui confère explicitement le droit à l’enrichissement de l’uranium à des fins civiles. Pourtant, la propagande médiatique laisse entendre que l’Iran ne respecterait pas ce traité. En fait ce sont les Etats-Unis et le triumvirat européen qui ne respectent pas le traité en refusant à l’Iran un droit internationalement reconnu !

N’aurait-on d’ailleurs pas plus de chance, et accessoirement plus de crédibilité si, pour obtenir de l’Iran qu’il renonce à tout projet nucléaire militaire, en admettant qu’il en ait un, on exigeait la même chose de l’Etat israélien ? J’en profite pour féliciter le Hamas de sa victoire démocratique, en espérant que ce séisme politique permettra finalement la création d’un Etat palestinien unique, multiconfessionnel, vivant enfin en paix avec ses voisins. Ce qu’une majorité silencieuse d’Israéliens appelle de ses voeux. Faute de quoi, et si les troupes américaines n’évacuent pas rapidement l’Irak, il est à craindre un embrasement général de la région où s’applique à grande échelle l’idéologie délirante du « chaos constructif ».

Au final, je souhaite que la République rejoigne le camp des nations résistantes au nouvel ordre mondial néoconservateur et travaille ardemment à l’avènement de relations internationales repensées, fondées sur le respect mutuel. Surtout celui des souverainetés. A ce titre, la France doit être le Venezuela de l’Europe et promouvoir un véritable dialogue et une véritable coopération avec le Sud, avec l’Afrique.

Vous ne craignez pas la diabolisation ? Coluche avait autrefois tenté l’aventure des présidentielles. Cela s’était achevé avec le meurtre de son régisseur.

On me dénonce déjà comme « islamiste », autant dire comme un ennemi, moi qui suis athée de culture catholique ! Si on tue mon régisseur, je continuerai. Ma candidature va gêner beaucoup de monde, surtout à gauche. Personnellement, je ne pardonne pas à la gauche d’avoir essayé de récupérer le vote des Noirs par clientélisme électoral. La situation actuelle en France est en grande partie due au dévoiement de la lutte anti-raciste et à son instrumentation à des fins politiques. L’idéal antiraciste a été littéralement trahi. La souffrance des banlieues a servi à drainer des suffrages, à essayer de capter un électorat, et j’entends dénoncer cette manipulation haut et fort. Je pose donc un grave problème, sans doute insurmontable, à une classe politique prise de court par ma candidature. Le candidat Dieudonné ne correspond à aucun de leurs critères. Je suis inclassable. Une chose est sûre, c’est que nous nous situons vraiment dans le courant de l’histoire.

Dans l’affaire des caricatures de Mahomet, vous avez adopté une position ambivalente en faveur de la liberté d’expression mais critique sur son utilisation à des fins « provocatrices »...

Ce qui est intolérable, c’est le « deux poids, deux mesures » de la pensée unique qui fixe des limites : Mahomet, le Pape, d’accord, mais pas ce qui touche au sionisme par exemple. En tant qu’humoriste, je ne vois pas l’intérêt de ces dessins, il s’agit d’une provocation pour préparer l’opinion publique à une intervention contre les musulmans en Iran. Quant à Charlie Hebdo (qui a publié les caricatures en y ajoutant les siennes, ndlr), c’est devenu le porte-parole de la propagande américaine et sioniste.

Vous n’arrêtez jamais, en même temps la Cour d’appel de Paris vient de vous relaxer une fois de plus.

Mon truc, c’est de faire chier les cons. J’ai trouvé le bon filon (rires). Le paradoxe, c’est que j’ai été relaxé pour la vingtième fois et que ça va continuer, parce qu’en France il y a ce phénomène étonnant : les décisions de justice sont critiquées par les organisations sionistes, par Elisabeth Schemla du site Proche-Orient Info, ou [Alain] Finkielkraut qui taxe les juges de gauchistes et d’analphabètes. Il y a un bras de fer amusant entre les intellectuel pro-Israël et la magistrature. Leur pouvoir de nuisance est important. Et même si les choses s’améliorent pour moi, mon image n’est pas encore rétablie.

Où en est votre projet de film sur le Code noir ?

Il avance, j’espère boucler le financement cette année et commencer à tourner. Le film vaut 10 millions [d’euros], ce qui n’est pas énorme pour une production pleine d’action, avec des prises de vue en Afrique, à Cuba et en France et des acteurs comme Daniel Prévost, Claude Rich. Depardieu l’a lu, il était partant... Il y a l’Antillaise Joby Valente et Eric Ebouaney, qui est d’origine camerounaise. Le scénario a été écrit par moi avec la romancière Claire Gothon et l’historien Louis Sala-Molins, professeur de philosophie politique à l’Université de Toulouse. Mon rôle est presque muet : je joue le « nègre de maison » qui observe la rédaction du Code noir1.

Le 17 mars, vous serez à Genève, deux ans jour pour jour après votre précédent passage et la polémique avec le responsable de la Culture, Patrice Mugny. Avez-vous eu de ses nouvelles ?

Non, mais je vais lui envoyer des invitations. Son excès de zèle avait finalement été contre-productif pour lui. Ce sera mon avant-dernier spectacle, intitulé 1905, sur la laïcité. Un sujet chaud, et une loi importante qui a représenté une évolution selon moi naturelle des sociétés. Elle a permis à des artistes comme moi d’exister !

Patrice Mugny « pas plus royaliste... »

« Ah bon, il revient ? Où ça ? » Au bout du fil, Patrice Mugny apprend la venue prochaine de Dieudonné. On s’’en souvient, il y a deux ans le magistrat en charge des Affaires culturelles genevoises s’’était d’’abord opposé à la venue de l’’humoriste au Casino Théâtre, avant de se raviser face au tollé provoqué par sa décision. Cette fois les choses seront plus simples, le Grand Casino n’’étant pas propriété de la Ville. Verdict : « Ça ne me regarde pas ». Il en paraît presque soulagé, Patrice Mugny, qui se dit « pas plus royaliste que le roi » et en restera là pour cette fois. RMR

Note : 1 Promulgué en 1685 sous le règne de Louis XIV, le Code noir a été publié plusieurs fois, notamment au XVIIIe siècle. Il rassemble les dispositions réglant la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises des Antilles, de Guyane et de l’’île Bourbon. Il a servi de modèle à d’’autres règlements utilisés dans d’’autres colonies européennes (source : Wikipedia). 1905 est un one-man-show où Dieudonné revient sur le « divorce sur la laïcité » consommé il y a un siècle par l’’Eglise et l’’Etat français. Créé il y a un an, le spectacle fera halte à Genève le 17 mars prochain. A 20h30 au Grand Casino, Quai du Mont-Blanc, Genève. Rés : tél : 022 908 90 82 ou 0800 55 22 46.

Dray accuse, Dieudonné veut des excuses
AFP/RMR

POLÉMIQUE Pour Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, l’affaire Ilan Halimi, « c’est l’effet Dieudonné ».

Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, a affirmé jeudi que ce qui est arrivé à Ilan Halimi, le jeune homme juif torturé à mort dans une cité des Hauts-de-Seine, « c’est l’effet Dieudonné ». « Il y a un antisémitisme qui s’est incrusté dans la société française. Il y a des personnages symboliques qui portent cela. Je le dis clairement : on a les effets différés aujourd’hui de tout ce qu’a fait Dieudonné tout au long de ces années. Il y a un effet Dieudonné », a affirmé M. Dray lors de l’émission « Parlons-en », de LCP-Assemblée nationale/Journal du Dimanche.

Selon lui, il y a eu « un effet d’assimilation bête » de la part de « jeunes qui ont rigolé de cet humour (ndlr : celui de Dieudonné). On a ressorti les caricatures traditionnelles du nez crochu, des papillotes », a-t-il dénoncé. Pour Julien Dray, le meurtre d’Ilan Halimi est « un acte antisémite, anti-juif exactement, net, clair. Il n’y a pas besoin de tourner autour du pot. La base de l’antisémitisme dans l’histoire, c’est de dire que les juifs possèdent l’argent et qu’il sont solidaires entre eux ». Mais « je pense que dans les jours à venir, on va essayer de relativiser cela. Les avocats, comme les familles, ont tout intérêt à ne pas assumer le fait que ce soit un acte antisémite parce que la condamnation sera plus sévère » si cela en est. « Il ne faut donc pas se fier aux déclarations qui vont venir maintenant (de la part) des familles des agresseurs et des agresseurs eux-mêmes », a-t-il ajouté.

Eric Raoult, député UMP et ancien ministre de la Ville, également invité à l’émission, a lui aussi dénoncé « l’effet Dieudonné » dans l’affaire Ilan Halimi. « Ceux qui ont fait ça avaient une caricature en tête, celle d’avant-guerre », selon laquelle « les Juifs ont de l’argent » et sont donc des « proies possibles et rentables ». « Comme le ministre de l’Intérieur (Nicolas Sarkozy) l’a souligné, c’est de l’antisémitisme par amalgame », a-t-il dit.

« INTRUMENTALISATION obscène »

Dieudonné, pour sa part, a laissé à Julien Dray « 24h pour présenter des excuses officielles » avant d’entamer une procédure judiciaire. Contacté par Le Courrier vendredi à Nantes, où il se produit en ce moment avec son nouveau spectacle Dépôt de bilan, l’humoriste a dénoncé « l’instrumentalisation obscène » du drame « au mépris de la douleur de la famille » d’Ilan Halimi, et les « gesticulations » de Julien Dray « [qu’il] connaît bien ». Dieudonné a déjà réagi mardi dernier au « meurtre atroce d’Ilan Halimi », affirmant dans un communiqué que c’est « la barbarie néolibérale » qui en était « à l’origine ». « Le néolibéralisme qui a instauré le culte du profit comme valeur centrale de la société gangrène progressivement les classes les plus défavorisées », a assuré Dieudonné. « Nous assistons impuissants à la dérive américaine de la société française, que le ministre de l’Intérieur se propose d’ailleurs d’aggraver », a affirmé celui qui est entré le 24 janvier dans la course à l’Elysée.



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