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Les damnés du Kiriane central
a
2 décembre 2006 18:37
Par Hassan Hamdani,Tel Quel n°249



Le énième incendie qui a ravagé les Carrières centrales ressemble au remake d'un film catastrophe. Les bidonvillois en sont les acteurs involontaires de père en fils, attendant depuis 50 ans un relogement promis -déjà- par Mohammed V.


Les poings enfoncés dans les poches, l'homme est debout au milieu des restes calcinés de la centaine de baraques de Kariane Kabla, l'une des dernières poches du fameux bidonville des Carrières centrales.

Tout autour de lui, un vaste périmètre noirâtre où, il y a encore une
peu plus de deux semaines, vivaient 112 familles, entassées dans des baraques de fortune, faites d'amas de tôle ondulée et de bois, chacune accueillant en moyenne trois ménages. Derrière l'homme, des toilettes turques ouvertes sur une fosse septique “faite maison”. C'est le seul élément du décor encore intact, celui qui résiste toujours aux incendies récurrents qui frappent les Carrières centrales depuis leur naissance, au début du siècle dernier. “C'est un endroit historique. Un haut lieu de la résistance à l'occupant français. C'est ici qu'est née la musique des Nass El Ghiwane…”, tient à signaler de manière professorale l'homme. Ses explications historiques sont couvertes par les lamentations moins romantiques d'une femme qui tourne en rond, à l'emplacement où se dressait la pièce de 6 mètres carrés qu'elle partageait avec son époux handicapé moteur : “Nous avons été réveillés à 6 heures du matin par des cris de terreur. Les jeunes du quartier m'ont aidé à évacuer mon mari. Tout ce qu'on a réussi à récupérer, c'est son fauteuil roulant”. Et le cas de cette femme n'est en rien exceptionnel. L'heure très matinale du déclenchement de l'incendie et la vitesse de propagation du feu ont empêché les habitants de sauver le peu de biens qu'ils possédaient : “Les affaires que je porte, du pull au caleçon, m'ont été données par des voisins épargnés par l'incendie”, avoue, un peu honteux, Mohamed, la quarantaine. Ses trois enfants, qui ont perdu leurs livres et leurs cahiers dans l'incendie, font de la présence passive à l'école et, accessoirement, des cauchemars peuplés de flammes depuis le sinistre. Quant à la solidarité des premiers temps, elle s'émousse avec les jours qui passent : “Les habitants du quartier voisin de Dar Lamane continuent de nous apporter du couscous le vendredi. Mais c'est tout ce qu'on a”, constate Mohamed. Lui qui, ironie du sort, se réveillait chaque matin avec une vue imprenable, depuis sa baraque, sur Dar Lamane, un projet de logements sociaux récompensé par le prestigieux prix d'architecture de l'Aga Khan.


Camping forcé


Quinze jours après l’incendie, la colère est encore palpable chez les habitants sinistrés. Condamnés à vivre sous des tentes, entremêlées d'échafaudages en bois récupérés sur les lieux de l'incendie, les bidonvillois se repassent en boucle le film de cette aube tragique. “Les pompiers sont arrivés au bout d'une demi-heure. Il était déjà trop tard, le feu avait déjà pratiquement tout détruit”, explique Saïd, qui a envoyé sa femme et son bébé de trois mois chez des parents, le temps de reconstruire sa baraque, aidé de ses deux frères qui logent avec lui. Et comme à chaque incendie dans ce bidonville, les rumeurs et les accusations ont pointé le bout de leur nez, dès que le feu a été maîtrisé : “J'ai vu des pompiers recevoir de l'argent de la part des propriétaires de magasins pour protéger en priorité leurs échoppes des flammes”, vitupère Ahmed. Le jeune homme déclare même en être venu aux mains avec les pompiers, pour les obliger à diriger le tuyau à eau vers l'endroit véritable du sinistre. Puis, aidé des habitants du quartier, il a joué à son tour au soldat du feu, attaquant les flammes à grands coups de seaux d'eau, remplis à la fontaine voisine.

Déjà en 1999, lors d'un incendie encore plus terrible, on avait jeté la pierre aux secours et crié à l'incendie criminel. La vérité ne ressemblait pas à une conspiration à la X-files, dirigée contre les habitants du bidonville. Elle se nichait dans une lampe artisanale oubliée dans une baraque. La forte densité des constructions aidant, l'incendie qui en a résulté a ravagé un périmètre important de Kariane Krimate, autre poche restante des Carrières centrales. Pourquoi donc ces rumeurs inévitables ? C'est que le film catastrophe ressemble à un remake récurrent pour beaucoup d'habitants. “Avant cet incendie, notre baraque avait déjà brûlé à deux reprises, en 1997 et en 1999. Je suis fatigué de vivre dans la peur de me réveiller un jour au milieu des flammes”, confie Saïd. Le lendemain de l'incendie, il a participé, comme la majorité des habitants du bidonville, à un sit-in devant la préfecture de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. Objet de la manif : réclamer du ciment et des briques pour pouvoir reconstruire leurs demeures en dur. “On sait qu'on est encore là pour un moment. Qu'on nous donne au moins les matériaux pour nous protéger des incendies. Avec sa structure en bois, explique Saïd, une baraque, c'est comme une boîte d'allumettes qui prendrait feu”. Après avoir essuyé un premier refus des autorités, peu enclines à voir se matérialiser une “occupation illégale du sol” durable et en béton, les habitants ont fini par obtenir gain de cause. Ils pourront bientôt vivre entre quatre murs, aussi spartiates soient-ils.

Le bidonville, un provisoire quasi-centenaire


“Je ne comprends pas les réticences des autorités. Cela change quoi pour eux qu'on construise des murs ? Je suis né ici. Mes parents sont aussi nés ici, et mes grands-parents s'y sont installés dans les années 20. Et on ose encore appeler cela du provisoire ?”, s'emporte Aziz, 25 ans, fraîchement papa d'une petite fille, appelée probablement à vivre dans l'éternel provisoire et à perpétuer la tradition “karianiste” familiale. Comme les anciens du quartier, l'arrière grand-mère de cette petite fille se souvient du discours de Mohammed V aux Carrières centrales, suite à son retour d'exil. Reconnaissant aux habitants d'avoir participé à son retour au Maroc, le roi leur avait promis un relogement décent. Un vœu pieu auquel ne croit plus la vieille dame, recroquevillée dans le coin d'une tente. Un demi-siècle d'attente a eu raison de ses illusions. Ce n'est pas le cas d'une autre femme entre deux âges. Plus tôt, elle a joué à la dame éplorée devant l'objectif du photographe en reportage, ayant appris à utiliser les médias à bon escient comme bon nombre d'habitants du quartier, visités régulièrement par les journalistes à chaque incendie. Désormais, la femme accuse : “C'est la faute de Abderrazak !”. Parle-t-elle d'un gosse du quartier ? Oui, si l'on peut dire. Il s'agit de Abderrazak Afilal, élu local depuis plus de 30 ans, député de l'Istiqlal, secrétaire général de l'UGTM… et l'un des accusés de malversations dans le scandale du projet de logements sociaux Hassan II, qui devait justement accueillir les bidonvillois des Carrières centrales (v.encadré). Cette dame, sous le coup de la colère, ne s'embarrasse pas de présomption d'innocence. Pas plus que ce vieil homme qui suit assidûment le procès au tribunal : “Il jouait à la personne proche du peuple, en nous rendant souvent visite dans nos baraques”. “On a voulu dénoncer aussi ce scandale, le jour du sit-in. On nous a dit d'attendre le jugement pour nous plaindre”, ajoute-t-il. Et pendant que la justice suit son cours, les bidonvillois, eux, lèvent les yeux vers le ciel : “Pourvu qu'il ne pleuve pas…”.





Projet Hassan II. La chimère en béton

Mohammed V en avait rêvé dans les années 50, Hassan II a essayé de le réaliser à partir des années 80, Mohammed VI a refusé de l'inaugurer en 1999, ayant eu vent des malversations qui ont jalonné la construction du projet Hassan II, sous l'ère Basri. En effet, prévu sur une superficie de 44 hectares et destiné à reloger les bidonvillois des Carrières centrales, cet ensemble de logements sociaux sera détourné de sa vocation, pour se transformer en une immense opération de spéculation immobilière, entachée de détournements d'argent public… et privé. “J'ai versé 40 000 DH en 1989 pour acquérir un logement dans le projet Hassan II”, se scandalise un des habitants du quartier. Il n'en verra jamais les murs, à l'instar d'une vingtaine de familles sinistrées qui ont, elles aussi, payé d'importantes sommes d'argent pour bénéficier d'un appartement dans le projet. Certains parlent de 40 millions de dirhams avancés par les bidonvillois et… volatilisés dans la nature. Cruelle ironie, les appartements en dur du projet Hassan II font aujourd'hui face à Kariane Kabla. Les habitants se lèvent chaque matin, avec à l'horizon, en briques et en béton, les promesses non tenues depuis 1956...
a
2 décembre 2006 23:38
Quelques citations tirés de l'article :


"Le jeune homme déclare même en être venu aux mains avec les pompiers, pour les obliger à diriger le tuyau à eau vers l'endroit véritable du sinistre"



"Désormais, la femme accuse : “C'est la faute de Abderrazak !”. Parle-t-elle d'un gosse du quartier ? Oui, si l'on peut dire. Il s'agit de Abderrazak Afilal, élu local depuis plus de 30 ans, député de l'Istiqlal, secrétaire général de l'UGTM… et l'un des accusés de malversations dans le scandale du projet de logements sociaux Hassan II, qui devait justement accueillir les bidonvillois des Carrières centrales (v.encadré). Cette dame, sous le coup de la colère, ne s'embarrasse pas de présomption d'innocence. Pas plus que ce vieil homme qui suit assidûment le procès au tribunal : “Il jouait à la personne proche du peuple, en nous rendant souvent visite dans nos baraques”. “On a voulu dénoncer aussi ce scandale, le jour du sit-in. On nous a dit d'attendre le jugement pour nous plaindre”, ajoute-t-il."
B
3 décembre 2006 11:15
et oui le carriere central, la face caché de casablanca. corruption au niveau de la champions ligue, Afilal a ete cité plusieurs fois dans les affaires laafoura/slimani. il fait en tout cas partis de ceux qui faisaient apres chaque projet un nouveau trou dans la ceinture, car a force de voler on fini par devenir gras!
a
3 décembre 2006 11:22
Afilal est encore secrétaire générale de l'UGTM ?

Un gros (dans tous les sens du terme) voleur qui n'est pas encore inquiété, il a presque 70 ans.
L'impunité a encore de beaux jours au Maroc, je suis dégoûté alors que dire des victimes d'Afilal !!
B
3 décembre 2006 11:39
non je crois qu´il a ete obligé de quitter l´ugtm! (malgré l´interventions de membre de l´istiqlal)
 
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