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Corruption et bidonvilles
l
4 mai 2006 23:22
« Dans le discours du trône de l’année 2003, Sa Majesté le roi a érigé la question de l’habitat insalubre parmi les priorités de l’action gouvernementale. Et, le 22 juillet 2004 le programme villes sans bidonvilles a été présenté au souverain. L’optimisme et l’euphorie des auteurs de ce programme ont été jusqu’à prétendre pouvoir déclarer Rabat, Salé, Témara et Khémisset villes sans bidonvilles avant 2010. Ce n’est peut être pas impossible mais à condition de tenir compte des erreurs du passé…
Le déficit annuel dans le secteur du logement en périmètre urbain des villes Rabat-Salé-Témara est de 8850 unités. Des statistiques prévoient le déficit en la matière à 142.000 unités en 2020. En ce qui concerne le relogement des ‘bidonvillois’ dans la région Rabat- Salé- Zemour- Zaïr, les besoins seraient de 30.000 unités, ce qui ramènerait les besoins à l’horizon 2020 à 172.000 unités. Bref, les chiffres sont là, les prévisions bien établies et la volonté clairement affichée. Tout semble donc converger vers un succès monumental de l’opération « zéro bidonvilles » Voyons à cet égard en guise de simple exemple un cas pratique : le projet ‘Tamesna’.
Le 20 juin 2005, le souverain a présidé la cérémonie de la conclusion de l’accord concernant la réalisation d’une ville nouvelle ‘Tamesna’ à Sidi Yahya Zaïr. Ce projet s’étend sur 860 hectares avec une capacité d’hébergement de 250.000 habitants avec 70 hectares réservés aux infrastructures, 50.000 habitats divers, 78 hectares pour les activités économiques créatrices d’emploi, et 120 hectares pour les espaces verts ! Le ministre de l’urbanisme assure que ce projet couvrira 30°/° des besoins en 2020 et permettra à 4000 familles de quitter les bidonvilles. En outre, la construction de 52.000 appartements dont 42.000 pour couvrir 30°/° du déficit en matière de logement et 10.000 autres appartements pour absorber 30°/° du déficit en matière de relogement des habitants des bidonvilles, serait également prévue. Voilà pour la bonne intention. Maintenant, descendons de notre juchoir théorique et allons sur le terrain !
Construire une ville nouvelle c’est bien, mais résorber les bidonvilles c’est encore mieux…En ce sens que le véritable problème ne se situe pas au niveau de la construction de logements mais dans la destruction de tout un système de spéculations et de fraudes. Avant de construire quoi que ce soit, il faudrait avant tout stopper l’hémorragie, la prolifération des bidonvilles et des maisons anarchiques, ce qui revient inéluctablement à affronter avec fermeté et courage le pourrissement rompant de l’Administration…
Le projet ‘Tamesna’ est un bon projet. Mais, servira-t-il réellement la cause de la résorption des bidonvilles concernés ou sera -t-il un projet parmi d’autres n’offrant que matière à spéculations et à enrichissement sans cause de quelques intervenants sans scrupules ?
C’est toujours au moment de la distribution des logements ou des lots que le pot aux rose est découvert. Il serait judicieux de se pencher sur des expériences passées pour avoir une bonne vue sur le ‘tableau de bord’, une idée de la difficulté…Prenons le cas de l’opération de relogement des habitants des douars Al Kora et El Garaâ à Rabat :
Dès l’inauguration de quelques 1640 appartements sur une superficie de 10 hectares consacrés à douar El Garaâ et quelques 860 appartements au profit des habitants du douar Al Kora sur une superficie d’un hectare et demi, l’opération de recensement des habitants bénéficiaires a débuté avec des auxiliaires d’autorité (mokadems et chioukhs) comme principal atout des commissions techniques chargées du recensement. Par conséquent, la corruption, le népotisme, les passes-droits et les irrégularités de toutes sortes auraient constitué l’une des principales bases de ce travail…En ce sens que des familles qui devaient légitimement bénéficier d’appartements du projet Al Kora s’étaient vues écartées au profit d’autres familles injustement placées en bonne position sur les listes…Par ailleurs, les autorités locales se montrèrent laxistes envers l’installation de nouvelles baraques en zinc et certains habitants de ces bidonvilles acceptèrent de créer des ouvertures dans leurs baraques pour pouvoir loger furtivement et rapidement d’autres familles désirant être portées sur les listes du dénombrement moyennant probablement pots de vin en faveur de certaines autorités locales et un loyer temporaire versé aux propriétaires des baraques. De plus, un vent de panique avait soufflé sur le projet ‘Al Kora’ puisque la mensualité (à verser par les bénéficiaires d’appartements) qui était à l’origine de 600,00 dirhams serait passé à 800,00 dirhams, de même que l’avance fixée initialement à 10.000,00 dirhams aurait quintuplé…Restait le fait marquant : Certains habitants du douar El Kora auraient été sommés de rendre les clés des appartements que le souverain leur avait remis lors d’une visite sur les lieux…? !
En remontant le temps, l’on a malheureusement tout le loisir de se rendre compte de la faillite du système de relogement des habitants des bidonvilles de façon générale, notamment à travers les innombrables cas que l’on peut puiser dans le gigantesque scandale urbanistique de Témara. Prenons le cas du projet du quartier Al Maghreb Al Arabi à Massira II dont les travaux ont été déclenchés vers 1986. Ce projet de 80 hectares avait été une aubaine pour les spéculateurs alors que ce dit projet avait pour but le relogement des habitants des douars Ouled Bennasser nord et Ouled Benasser sud lesquels devaient bénéficier de lots de terrains d’une superficie de 65mètre carré contre 10.000,00 dirhams en deux versements de 5000,00 dirhams. Quelques agents d’affaires en concert avec quelques agents d’autorité et quelques élus avaient vite fait en sorte que des personnes étrangères aux douars concernés bénéficiassent indûment des lots de terrain en question…Le même ‘destin’ avait été réservé aussi aux projets ‘Souk Jdid’ dans les années 90, ‘Cheikh Daoui’ s’étendant sur 24 hectares et ‘Hay Anahda’. Bien évidemment, tous ces projets n’ont pas servi à résorber ne serait-ce que 10°/° des bidonvilles ciblés…Il est certains aussi que pendant toute la durée de réalisation de ces projets les autorités locales(caïds et Pachas) laissaient toute latitude aux mokadems et autres chioukhs pour procéder au repeuplement des habitations en zinc par de nouveaux postulants aux logements réservés aux habitants des bidonvilles…Selon certaines sources, un montant de corruption de rigueur variant entre 5000,00 et 10.000,00 dirhams était versé aux autorités locales pour chaque certificat de résidence délivré permettant à un nouveau venu de figurer injustement dans la liste des bénéficiaires de futurs projets de relogement des habitants des bidonvilles…Bref, autant de cas pratiques servant à mieux cerner la problématique…
Depuis l’indépendance, opérations de recasements et opérations de relogements des habitants des bidonvilles se sont succédées avec la même logique de multiplicité des intervenants sans pour autant éradiquer les bidonvilles du Royaume qui n’ont fait au contraire que proliférer davantage. A l’origine de ce mal, l’Administration ! Ceci a toujours été une Lapalissade suspendue sur toutes les langues avec une résignation intolérable. Les cas relatés en haut nous permettent de tirer une seule conclusion honnête : le ministère de l’urbanisme en association avec les conseils des villes ou autres partenaires pourra construire autant de logements qu’il voudra mais son action ne permettra jamais de résorber les bidonvilles. Tant que les mokadems, les chioukhs et autres caïds et pachas ne seront pas écartés des opérations de relogement ou de recensement des habitants des bidonvilles, l’échec guettera toutes les initiatives. Un échec qui dure depuis 40 ans…A ce propos, il n’est pas difficile de comprendre que les commissions mixtes sont un échec dans ce genre d’opérations car elles permettent à leurs membres d’échapper à leurs responsabilités pour une raison ou une autre : Un fonctionnaire du ministère de l’urbanisme par exemple pourra toujours prétendre avoir été induit en erreur par le mokadem…Par ailleurs, se baser sur le certificat de résidence pour reconnaître d’éventuels bénéficiaires est une grossière erreur car l’expérience a largement prouvé que c’est là un moyen flagrant d’encourager la corruption plutôt qu’autre chose…
A présent, voyons qu’elles seraient les solutions à même de nous permettre de remonter la pente de l’échec en matière de lutte contre l’habitat insalubre. Ces solutions sont simples et ont surtout trait aux ressources humaines…Tous les systèmes administratifs se révéleraient défaillants en matière de lutte contre les bidonvilles car tout système implique des enchevêtrements qui font que la responsabilité s’évapore. L’idéal serait donc de responsabiliser un seul homme avec une obligation de résultat pour chaque douar de zinc à éradiquer…Toute la question concernerait alors le choix de l’homme en question. Un homme intègre, un fonctionnaire en bonne santé, expérimenté, motivé et loyal que l’on récompenserait à la fin de chaque opération réussie. Un fonctionnaire au-dessus de tout soupçon auquel on accorderait carte blanche pour lui permettre d’affronter tous les obstacles…Un fonctionnaire qui ne rechignerait pas à être muté autant de fois que le devoir l’appellerait, que les bidonvilles l’appelleraient…Un fonctionnaire responsable qui ne superviserait pas mais qui procéderait lui-même au recensement des baraques et de leurs habitants dans chaque bidonville ciblé, qui procéderait lui-même à la démolition des baraques recensées et qui remettrait enfin lui-même les clés des appartements aux bénéficiaires dont les logis de zinc ont été minutieusement détruits. Un homme, une mission ! La voilà donc la solution…Par contre, l’autorité locale incarnée généralement par le Caïd devra demeurer seule responsable en cas d’apparition de nouveaux bidonvilles après une opération de relogement réussie dans un arrondissement donné. A cet égard, il serait judicieux d’intimer l’ordre aux responsables du ministère de l’intérieur de ne procéder à la mutation d’un caïd dans le ressort territorial duquel une opération d’éradication d’un bidonville a eu lieu qu’après un contrôle strict des lieux, contrôle sanctionné par la signature d’un certificat attestant que le commandement de l’agent d’autorité en question est propre de tout bidonville…
L’idée serait donc de libérer le Caïd de toute responsabilité concernant l’élaboration des listes d’éventuels bénéficiaires de logement sociaux et toute opération de dénombrement des habitants des bidonvilles, mais sa responsabilité resterait totale et effective en cas de prolifération ou d’apparition de bidonvilles dans le ressort territoriale de son arrondissement.
L’objectif ici n’est pas d’émettre des accusations, mais dire que beaucoup d’agents d’autorité se sont enrichi aux dépends des bidonvilles, aux dépends de la misère de marocains défavorisés, est un secret de polichinelle. La prolifération des bidonvilles est un problème pressant qu’il faut solutionner sans délais…L’on ne peut plus prétexter attendre le dénouement de la question de la corruption dans l’Administration pour prendre ses responsabilités…Il faudrait d’ores et déjà prendre le taureau par les cornes…
En définitive, l’épineuse question de l’habitat insalubre relève de la compétence du département de l’habitat mais encore faut-il que ce dernier apprenne ou se mette à agir en département majeur…
Source: "Maroc et Marocains" (Le Maroc entre août 2005 et janvier 2006)

Que pensez-vous de ce problème et de la solution proposée ici?



Modifié 1 fois. Dernière modification le 04/05/06 23:26 par le citoyen.
l
5 mai 2006 16:31
Hum...Je vois que c'est là un sujet qui n'intéresse personne..
m
5 mai 2006 19:04
Si, si, ton sujet est intéressant. Un peu long, mais intéressant.

Des programmes sont élaborés pour éradiquer le logement insalubre. Très bien.

Maintenant, il faudrait que les personnes qui en bénéficient, surtout, en cas de distribution de

lots de terrains, ne le vendent pas et aillent s'installer ailleurs créant de nouvelles "baraques

à toit de zinc".


Avec l'informatique, les cartes nationales, on devrait pouvoir être strict, tenir un fichier des

personnes bénéficiaires, et sévir si on les retrouve de nouveau dans un bidonville.

Il paraît que cette pratique serait assez courante. Mais bon, ce n'est peut être que des bruits

infondés.


Faire des campagnes également en faveur du maintien des populations dans le milieu rural, au lieu

de courrir après de "mirage" ville.

voilà, voilà, ce qui me vient à l'esprit pour le moment.
l
5 mai 2006 23:22
En effet, peut être bien qu'avec les nouvelles cartes on pourrait arriver à quelque chose..avec bien sûr beaucoup de bonne volonté..
Sinon, merci de vous intéresser à ce sujet..
l
10 mai 2006 16:14
qu'aurait fait le PJD à la lecture du courrier objet de ce post ( corruption et bidonvilles) s'il était au pouvoir?
l
13 mai 2006 14:09
...l'été sera chaud pour les habitants des bidonvilles..
l
13 mai 2006 14:59
Ah! si seulement notre ministre de l'intérieur monsieur Benmoussa pouvait lire cet article sur les bidonvilles...
a
13 mai 2006 15:22
quand je lis cet article, je me dis que c'est fou comme la corruption est partout voir même quelque chose de "normal" en ce qui concerne le Maroc.
Après c'est vrai que pour lutter contre l'habitat insalubre, il faut déjà avant tout empêcher les gens de s'installer n'importe où, de recencer ceux qui sont présents et attendre un deuxième recencement au bout de 5 ans pour éviter les rajouts de familles, ensuite pour l'attribution des logements se fait uniquement pour les familles recencées mais reste le problème de la corruption, toujours...
l
13 mai 2006 17:30
Le grand malheur c'est que le ministère de l'intérieur considère les fonctionnaires incorruptibles comme étant ses pires ennemis..quelque chose ne tourne pas rond au Danemarque..
l
13 mai 2006 23:58
Citation
le citoyen a écrit:
Ah! si seulement notre ministre de l'intérieur monsieur Benmoussa pouvait lire cet article sur les bidonvilles...
Quelqu'un ici pourrait-il le lui transmettre..?..
O
14 mai 2006 05:37
Citation
le citoyen a écrit:
Le grand malheur c'est que le ministère de l'intérieur considère les fonctionnaires incorruptibles comme étant ses pires ennemis..quelque chose ne tourne pas rond au Danemarque..

Bingo ! en plein dans l'epicentre !
l
15 mai 2006 17:17
C'est un sujet important car l'habitat insalubre est souvent source de démence et de haine..
 
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