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A Casablanca les anges ne volent pas
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5 janvier 2005 10:04
bonjour,

des films marocains tres interessants ont vu le jour l'annee derniere. j'espere que ca continuera en plus fort cette annee. parmi ces films "a casablanca les anges ne volent pas" de mohamed asli. lisez cette critique sur telquel et passez l'info. il faut les encourager:


source: [www.telquel-online.com]

Par Karim Boukhari
Coup de cœur. Casablanca, cité des anges

Les anges ont des ailes, même s’il leur arrive de ne pas voler. Pour son premier film, Mohamed Asli, 47 ans, a ciselé un bijou qui fait honneur au cinéma marocain.


Trois serveurs dans une gargote du centre-ville à Casablanca. Trois êtres anonymes, transparents, comme on en croise tous les jours. Trois individus d’en bas, très peu instruits, pauvres, même pas beaux. Des êtres insignifiants, à la puissance dramatique pratiquement nulle, mais que le cinéma, par sa magie, peut transcender et rendre infiniment touchants. Des personnages universels, tout simplement. C’est cela le pari qu’a tenté, et réussi, Mohamed Asli. En bon élève du cinéma d’exploitation (films de genre, films de série) qu’il a souvent accompagné, à l’occasion des tournages étrangers au Maroc, et d’une manière de faire importée d’Italie où il a un moment vécu, le réalisateur a retenu plusieurs leçons qu’il distille avec talent et humilité. La première leçon, sans doute la plus forte, s’appelle le montage. Malgré quelques longueurs, notamment sur la fin, le film est en perpétuel "mouvement". Asli multiplie les plans, les (dé)coupe au plus près, et crée ainsi une animation qui chasse l’ennui. Les coupes, les fameux "cut to" relancent constamment le récit et l’empêchent de sombrer dans le pathos, ou le contemplatif, qui le menacent pratiquement à chaque scène.

Les autres leçons du film sont plus classiques. Elles nous ramènent à une dimension encore plus basique (mais impeccable) du cinéma. Une histoire solide, un scénario à recettes (rires, larmes, beauté des décors), des dialogues bien sentis n’hésitant pas, et c’est une première dans le cinéma marocain, à faire jouer les personnages principaux en berbère…etc. Aucune innovation, pas de révolution, juste une application de tous les instants et une maîtrise des instruments cinématographiques. Du cinéma à l’ancienne, un travail d’artisan pour donner, à l’écran, un résultat tout à fait remarquable. "A Casablanca, les anges ne volent pas" réussit là où toute une génération de cinéastes marocains (les Hamid Benani, Mohamed Abbazi… etc) avait échoué : filmer l’arrière-pays sans basculer dans le cliché touristique, faire vivre la ville et la montrer comme une immense scène, un personnage à part entière. Ou comment faire du cinéma d’auteur "populaire", en se servant des métaphores et des figures de style comme des moyens et non comme des fins.

Ce que nous raconte le film est tout simplement superbe. Un homme perd sa femme en rase campagne et, faute de soutien, finit par la rapatrier à dos d’âne. Un autre ne vit que pour son cheval, convoité par les puissants de son douar, et finit par le perdre après avoir tenté de lui trouver une place en ville. Un autre, encore, finit par acquérir les "chaussures de sa vie" et comprend que le plus dur sera de les protéger. Secouez bien avant de servir, la sauce prend à chaque fois que les ingrédients sont bien dosés et répartis à travers tous les étages du film. Un rire par-ci, une larme par-là, un bol d’air frais via une balade en ville (superbe séquence en accéléré à travers les rues de Casablanca)… etc. Rarement décors, espace temps et ustensiles de la vie quotidienne, ont été aussi bien exploités dans le cinéma marocain : ici, la neige, les ânes, les chaussures, les lettres, un cheval, un autocar, une bicyclette, un téléphone portable. Ces éléments ont de la chair et sollicitent tous les sens du spectateur. Combinés à une utilisation subtile de la voix-off, ils facilitent les voyages dans le temps, l’espace, et donnent une sensation de plénitude comme seul, le meilleur du cinéma populaire peut en procurer.

"A Casablanca, les anges ne volent pas" balance entre poésie et cinéma-vérité, ou cinéma social, sans que l’un ou l’autre n’empiète trop sur l’espace de l’autre. En maîtrisant ainsi son équation de base, et en imprégnant à son film un rythme soutenu, Mohamed Asli peut se permettre de nous servir un discours a priori contestable : le débat sur l’exode rural. Les personnages en sont le produit et ils perdent tout en débarquant à Casablanca. Discours conservateur, non dénué de sens, servi à l’occasion par certains personnages du film (le RME dans l’autocar, le hlaïqi dans un terrain vague de la ville) et porté à son apothéose par le plan final. Un discours qui n’a absolument rien de novateur, puisque sans cesse rabâché par les quatre décennies de la cinématographie marocaine. Ce qui change, ici, c’est que ce discours est rendu avec soin, via un objet de qualité. En dehors du très documentariste "Alyam Alyam", de Ahmed Maânouni, on ne connaît pas d’autre exemple de réussite dans ce domaine-là. S’il n’oublie jamais d’être moralisateur, le film garde les yeux ouverts sur le monde des hommes, au sommet des montagnes enneigées comme à la ville. Il nous propose ainsi au passage une jolie critique comportementale (corruption, égoïsme, stupidité, stratification sociale) qui lui confère un autre centre d’intérêt et tend à le rendre plus universel.

Bien sûr, le film regorge de références cinématographiques, dont la plus claire reste "Yol" (du Turc Yilmaz Guney, ancienne palme d’or à Cannes) à cause de la neige et de l’homme traînant sa compagne pour essayer de la maintenir en vie. On peut penser aussi au cinéma de l’Italien Nanni Moretti, pour son sens de la critique sociale, son côté moralisateur et les balades à bicyclette. "A Casablanca les anges ne volent pas" est bien un film de son temps, comme le cinéma marocain du 3ème millénaire arrive enfin à en produire. Bravo à Mohamed Asli, à ses comédiens et à toute son équipe.

 
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