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Al-Manar, l'interdiction et la pédagogie
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20 décembre 2004 18:00
ANALYSE
Al-Manar, l'interdiction et la pédagogie
LE MONDE | 17.12.04 | 14h33
De la décision politique d'interdire la diffusion - sur un satellite de droit français - d'Al-Manar, la chaîne du Hezbollah libanais, accusée de propager des propos et des idées antisémites et de faire l'apologie du terrorisme, tout a été pratiquement dit. Tout comme sur les réactions passionnées que cette mesure suscite en France et dans le monde arabe.

Il ne s'agit pas ici de discuter les griefs retenus contre Al-Manar, vecteur de propagande du parti intégriste chiite dont la raison d'être est de combattre Israël sur tous les fronts, mais de s'interroger sur l'efficacité de cette interdiction médiatisée et sur ses conséquences, en France et au Proche-Orient.

On a souvent reproché aux Etats-Unis de mener une politique arabe simpliste et ne s'encombrant pas des subtilités socioculturelles des pays de la région. Force est de constater, au moins sur le plan de la gestion des médias, que leur politique a pourtant l'avantage de la clarté et de la logique. Conformément au premier amendement de la Constitution garantissant la libre expression, jamais Washington n'a réclamé l'interdiction d'une chaîne de télévision arabe.

Après le traumatisme du 11 septembre 2001, quand l'administration Bush avait découvert avec stupeur qu'Al-Jazira diffusait des revendications de son ennemi numéro un Oussama Ben Laden, elle avait eu beau critiquer la chaîne d'information en continu qatarie qui véhiculait, selon elle, "une rhétorique de guerre", elle n'avait pas exigé son interdiction et aucun journaliste de cette chaîne n'a été inquiété sur son sol.

A l'occasion de l'affaire Al-Manar, on peut comparer les politiques américaine et française, qui ont géré, chacune à sa manière, le problème posé par cette chaîne qui diffuse des feuilletons antisémites. En 2002, alors que la situation empirait entre Palestiniens et Israéliens, des producteurs arabes avaient décidé de réaliser "Le Cavalier sans monture", un feuilleton judéophobe.

Ecrit, réalisé et interprété par l'Egyptien Mohammed Sobhi, il présente comme "historiques et vérifiés" Les Protocoles des sages de Sion - bréviaire antisémite. Le feuilleton avait alors été annoncé par une intense campagne de publicité.

Que s'est-il passé quand les télévisions arabes commencèrent à diffuser le feuilleton ? Côté français, silence radio. Côté américain, des condamnations en série. Malgré les foudres de Washington, le feuilleton avait été maintenu sur Dream TV, chaîne égyptienne privée, coproductrice de la série, ainsi que sur une autre chaîne publique égyptienne. Al-Manar avait profité de la polémique pour le diffuser à son tour. Mais le Maroc, qui en avait acquis les droits, fut contraint de le déprogrammer.

En Egypte, les remontrances du département d'Etat avaient créé une polémique qui avait profité à Mohammed Sobhi, invité sur de nombreux plateaux de télévision arabes. "Si ce feuilleton fait peur aux Etats-Unis et à l'entité sioniste, nous en ferons beaucoup d'autres", prédisait-il.

Effectivement, en 2003, toujours à l'occasion du ramadan, un nouveau feuilleton aux accents judéophobes était produit par l'homme d'affaires syrien Nabil Tohme et quelques riches notables du Golfe. Présenté aux téléspectateurs arabes comme une fresque allant de 1812 à 1948, date de création de l'Etat d'Israël, "Diaspora" ("Al Chatat"winking smiley racontait à sa manière l'histoire du sionisme, tout en véhiculant la thèse d'un "vaste complot" des juifs pour "diriger le monde". Cyniques, les producteurs de ce feuilleton précisaient dans le générique qu'elle "se fondait sur deux cent cinquante sources toutes juives et nullement sur Les Protocoles des sages de Sion".

PARIS ET WASHINGTON

Réaction française ? Toujours rien. Du côté américain, le porte-parole du département d'Etat jugea "inacceptable" la diffusion de programmes antisémites comme "Diaspora". Les diplomates américains accrédités dans les capitales arabes s'activèrent. L'ambassadeur à Damas obtint que l'on déprogramme le feuilleton. Il en fut de même au Koweït et, prudemment, les autres pays arabes refusèrent d'en acquérir les droits. Seule Al-Manar le programma.

Le Centre Simon-Wiesenthal demanda alors à tous les opérateurs de télévision d'interdire la diffusion de ce feuilleton ainsi que de "tous les programmes antisémites provenant d'Al-Manar TV".

En France, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) reprit l'accusation et, un an après la diffusion de "Diaspora", la controverse éclata à l'occasion d'une convention signée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) avec un bouquet de chaînes arabes incluant Al-Manar et diffusé sur Eutelsat.

Du coup, Al-Manar crie au "complot sioniste" et stigmatise un "lobby juif" qui aurait fait pression sur le gouvernement français pour interdire une chaîne critiquant la politique "expansionniste" d'Israël.

La polémique qui a accompagné l'interdiction d'Al-Manar sur le satellite français aura surtout permis à la chaîne du Hezbollah de se faire connaître par une publicité à moindres frais. Désormais interdite sur Eutelsat, Al-Manar reste disponible sur d'autres satellites qui arrosent la France, notamment Arabsat.

Cette interdiction de diffusion ne règle pas le problème de fond que pose cette chaîne. Au contraire, elle constitue un précédent qui risque d'être compliqué à gérer. Si Al-Manar est marquée par les rhétoriques de guerre nées de l'enlisement du conflit israélo-arabe, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle n'est pas la seule de la région. Faudra-t-il interdire toutes les autres chaînes qui présentent les kamikazes comme de "glorieux martyrs" et qui évoquent les "complots de l'entité sioniste", c'est-à-dire l'écrasante majorité des médias arabes ?

Les Américains ont préféré créer eux-mêmes des médias arabophones en vue de "conquérir les cœurs et les esprits". Alors que la France perd du terrain dans la région, Washington a lancé Radio Sawa et Al-Hurra TV, stations arabophones qui tentent de s'inscrire dans le quotidien des opinions du Proche-Orient. Radio Sawa, mixte de musique et de flashes d'informations, connaît un vrai succès dans certains pays et a même supplanté sa rivale française RMC Moyen-Orient.

Autre politique, autrement plus payante : plutôt que d'exiger l'interdiction d'Al-Manar, les Américains ont opté pour que des programmes comme "Diaspora" ne soient plus produits.

Entre la politique arabe de la France et celle des Etats-Unis, pour une fois, dans ce cas précis au moins, la seconde n'est pas nécessairement la pire.

Tewfik Hakem

• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 18.12.04



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20 décembre 2004 19:53
"Si certains propos antisémites diffusés sur Al-Manar sont inexcusables, placer une chaîne de télévision sur le même plan que des groupes terroristes nous inquiète et ne nous paraît pas être la meilleure solution, a déclaré Reporters sans frontières. Toutes les personnes collaborant, de près ou de loin, avec la chaîne seront interdites de séjour aux Etats-Unis. Ceux résidant déjà sur le sol américain sont menacés d'expulsion. Cela implique-t-il que le bureau d'Al-Manar à Washington va être fermé et ses employés contraints de quitter le pays ?" "Les autorités américaines doivent veiller à ne pas faire l'amalgame entre lutte contre l'antisémitisme et lutte contre le terrorisme. Avec cette décision, les journalistes d'Al-Manar risquent d'être désormais considérés, en cas de conflit, comme des belligérants et leurs bureaux comme des objectifs militaires", a expliqué l'organisation de défense de la liberté de la presse.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
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20 décembre 2004 19:55
Une cinquantaine d'opérateurs privés libanais ont interrompu la diffusion câblée à leurs clients à Beyrouth de la chaîne de télévision francophone TV5, en signe de solidarité avec la télévision du liban Al-Manar, désormais interdite en France. Marie-Christine Saragosse, PDG par intérim de TV5, a souligné lundi que TV5 n'est pas une chaîne française mais une chaîne "multilatérale" francophone, "un opérateur officiel des sommets de la francophonie. Mme Saragosse réagissait ainsi à la décision de câblo-opérateurs libanais d'interrompre la diffusion de TV5 en représailles à l'arrêt d'Al Manar en France.
La liberté des autres étend la mienne à l'infini.
h
20 décembre 2004 20:22
salam,
C'était prévu! le liban avait prévenu qu'il ferait pareil pour les chaînes françaises. Sauf qu'effectivement TV5 est francophone!
d
20 décembre 2004 22:07
Al manar , est-elle un chaine disponible au Maroc ?
comment ce probleme est geré chez vous ?
+



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/12/04 22:07 par daniel.
h
20 décembre 2004 23:49
salam,
Daniel, Al Manar est capté au Maroc. Le Maroc n'est pas la France donc le problème ne se pose pas de la même façon.
 
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