Menu

angle_2

Le fil désintox de l’épidemie de fake news sur le coronavirus au Maroc [Mise à jour]

Faut-il fermer vos fenêtres pour éviter d’inhaler les produits chimiques qui seraient aspergés par hélicoptères pour lutter contre le coronavirus ? Boire des boissons chaudes permet-il de tuer le coronavirus qui sommeille en vous ? Risquez-vous un cambriolage sous couvert de consultation médicale ? Pour ne pas sombrer dans la psychose et ne pas tomber dans le panneau, ce fil désintox synthétise les fausses informations.

Publié
Montage : Dado Ruvic - Reuters
Temps de lecture: 5'

Depuis vendredi, des messages sonores et d’autres écrits préviennent les internautes marocains : «Fermez vos fenêtres dès ce soir, gardez vos enfants à la maison et ne laissez pas votre linge en terrasse : un hélicoptère survolera votre ville en l’aspergeant de produits chimiques pour tuer le coronavirus.» Cette annonce absurde a nécessité une réaction officielle de la Ville de Casablanca.

Dans un communiqué relayé le même jour, la ville a démenti tout dispositif de ce type qui pourrait lutter contre la propagation de ce virus. Le document a par ailleurs appelé les citoyens à se tenir aux mesures préventives préconisées par le ministère de la Santé, via ses canaux officiels et via les médias.

Bandes organisées fictives et exposition au soleil pour «tuer le virus»

Mais cette intox n’est pas la seule à faire le tour des réseaux sociaux. Une publication met en garde les internautes contre de «fausses équipes médicales», susceptibles de proposer une consultation préventive à domicile, pour faire des cambriolages en réalité.

Relayée depuis jeudi via Facebook, l’annonce a nécessité une intervention de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Dans une publication sur son compte Twitter, l’institution a mis en garde contre cette intox, ainsi que toutes les autres au sujet du coronavirus au Maroc. Elle a annoncé par ailleurs des enquêtes en cours pour identifier et interpeler les auteurs de ces posts.

Plus tôt, c’est à Souk Larbaa du Gharb que la police a arrêté un individu, pour avoir propagé de fausses informations sur le coronavirus à travers un haut-parleur. Sous le hashtag مكافحة_الأخبار_الزائفة#, la DGSN appelle d’ailleurs les internautes à ne pas relayer de contenus non-vérifiés.

Au niveau des conseils sanitaires pullulent des consignes de médecine traditionnelle. Sur un ton sérieux, elles sont présentées comme des bons usages permettant de se prémunir du coronavirus. Ainsi, des infographies et créations simplifiées en arabe préconisent de multiplier la consommation de boissons chaudes comme le thé, le café ou les bouillons. Dans la logique de ce «conseil», réchauffer le corps en augmentant sa température pourrait réduire la propagation du virus dans l’appareil respiratoire. Autre faux conseil abondant dans le même sens, s’exposer aux rayons de soleil ou encore boire de l’eau toutes les 15 minutes. Ni le soleil, ni la tasse de verveine ne vous protégeront.

Samedi dernier, c’était au ministère de l’Intérieur cette fois-ci de démentir des rumeurs circulant via WhatsApp et indiquant l’existence de mise en quarantaine de quartiers dans les villes marocaines. «Des enregistrements audio circulent depuis vendredi sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie instantanée contenant de fausses allégations et des données fictives au sujet de la propagation du nouveau coronavirus et la mise en quarantaine de certains zones du territoire national, avec la diffusion d’appels incitant d’une manière exagérée les citoyens à prendre des mesures exceptionnelles et illogiques», a précisé le ministère dans sa mise au point.

Le ministère a lui aussi appelé les citoyens à s’assurer de la véracité des informations qui circulent et à veiller à les recueillir auprès de sources officielles sûres et ne pas donner crédit aux fausses allégations.

Le même jour, le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, a démenti l’existence d’un «foyer épidémique» de coronavirus au quartier Oulfa de Casablanca. Dans une déclaration à la MAP, il a par ailleurs souligné que «l’état de santé des cas confirmés est rassurant et en constante amélioration», dénonçant par ailleurs les intox à ce sujet.

La justice se saisit des fausses informations

Pour sa part, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) a condamné, lundi, les fausses informations diffusées au sujet de mesures préventives de propagation du coronavirus, qui consisteraient en la réduction de la période d’approvisionnement en eau. Dans un communiqué, l'Office a démenti ces rumeurs, tout en ajoutant que l’approvisionnement reste inchangé. Par ailleurs, l’ONEE a indiqué se réserver le droit de prendre les mesures juridiques nécessaire pour faire face aux intox à ce sujet.

A partir de mardi 17 mars, la présidence du ministère public au Maroc a ainsi annoncé que des consignes strictes ont été données aux Parquets généraux des tribunaux du pays, afin de faire un suivi minutieux de toutes intox susceptibles de créer la panique ou porter atteinte à l’ordre public. Des enquêtes liées à des cas de propagation de fausses informations concernant le coronavirus au Maroc sont déjà en cours, par le biais des services de la police judiciaire.

Les autorités compétentes ont été chargées d’enquêter sur la source de cette information erronée afin d’engager les procédures judiciaires qui s’imposent.

Pour sa part, la Cour de cassation a démenti les fausses informations contenues dans un enregistrement sonore, diffusé sur les réseaux sociaux, qui fait état de la contamination au coronavirus, mardi matin, d’une membre de cette juridiction et l’évacuation urgente des locaux. Et de rappeler aux citoyens de faire preuve de responsabilité en s’abstenant de diffuser des informations non-vérifiées, qui risquent de semer la panique.

Mardi, plusieurs arrestations ont d’ailleurs été enregistrées, en lien avec la propagation de fausses informations, de fausses alertes sur d’éventuels foyers de coronavirus ou encore sur des cas d’infections qui se sont avérés inexistants.

Par ailleurs, des enquêtes restent en cours, notamment concernant des allégations sur la suspention des activités de la Protection civile et de la Sûreté nationale, démenties cette fois-ci par le ministère de l’Intérieur.

Le lendemain, la DGSN a également annoncé l’interpellation de deux individus, l’un à Berrechid et l’autre à Kénitra, pour la diffusion d’allégations mensongères et de photos de personnes sans leur autorisation, ainsi que pour incitation à entraver des travaux ordonnés par les pouvoirs publics.

Le premier individu, chauffeur d’ambulance privé arrêté à Berrechid, est en effet soupçonné d’être impliqué dans un enregistrement vidéo publié sur les réseaux sociaux, montant des éléments de la protection civile en train d’apporter des soins à un patient étranger et accompagné de commentaires mensongers.

Celui arrêté à Kénitra est soupçonné d’avoir enregistré et diffusé 12 séquences vidéo, où il prétend la non-existence du coronavirus et appelle les citoyens à ne pas appliquer les mesures préventives recommandées par le ministère de la Santé.

Fès égaement, un homme de 41 ans a été arrêté pour son implication dans l’enregistrement et la publication sur les réseaux sociaux d’une séquence vidéo contenant de fausses allégations sur un cas présumé de coronavirus.

Quelques minutes après l’annonce, le 19 mars au soir, de l’état d’urgence sanitaire dans le pays, un document circulant sur les réseaux sociaux a été présenté comme celui nécessaire aux sorties pour les cas de force majeure. Selon le ministère de l’Intérieur, il s’agit d’un faux, d’autant plus qu’il contient des passages suggérant qu’il a été repris du document d’usage en France.

Les intox ont démarré dès le début de l'épidemie au Maroc

Avant même l’annonce du premier cas confirmé du coronavirus au Maroc, plusieurs fausses informations ont été relayées via Internet. Le 23 février dernier, le ministère de la Santé a ainsi démenti une intox, selon laquelle un ressortissant d’Afrique centrale et de l’ouest vivant à Nador aurait été diagnostiqué positif.

Trois jours plus tard, c’est depuis l’Université internationale de Rabat (UIR) que la panique s’est emparée de parents d’étudiants, après le relais d’une vidéo montrant une intervention des secours, puis la propagation d’informations sur un cas souffrant de fièvre. Celui-ci s’est avéré négatif.

Les prochains jours devraient foisonner de fausses informations et rumeurs. De quoi pousser chacun d'entre nous à redoubler de vigilance, en évitant de partager une information non vérifiée même si elle provient d'un ami proche, et en privilégiant les sources officielles. Ne soyons pas des vecteurs de contamination ! 

article_updated 20/03/2020 a las 12h08