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Diaspo #130 : L'histoire miraculeuse de Yamna Maxwell, 90 ans, du Maroc aux Etats-Unis

Née près de Marrakech dans une famille marocaine de confession juive, Yamna Maxwell est une vraie survivante, âgée aujourd’hui de 90 ans. Elle avait mené la vie d'une guerrière, luttant contre la pauvreté au Maroc. Installée aux Etats-Unis, elle n’a qu’un souhait : revoir son pays natal.

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Yamna Maxwell, 90 ans, est née à Tizguine, une petite ville de la province d'Al Haouz de la région de Marrakech-Safi. / DR
Temps de lecture: 4'

Yamna Maxwell est née dans un village près de Marrakech en 1929, selon son certificat de naissance, bien qu'elle n'ait jamais connu sa vraie date de naissance. En décembre dernier, cette Marocaine de confession juive, basée au Colorado, a célébré son 90e anniversaire. Un moment spécial après un long voyage qui l'a conduit à quitter son village natal puis son pays il y a plusieurs décennies.

«Je suis étonnée de la façon dont j'ai survécu», confie-t-elle à Yabiladi, en commençant son histoire qui a été marquée par des défis, des difficultés, de la patience et de la bonne foi. À Tizguine, une petite ville de la province d'Al Haouz de la région de Marrakech-Safi, Yamna est née au sein d’une famille, composée d’une mère au foyer et d'un père qui travaillait dans les villages voisins.

«Je n'oublie jamais la maison où j'habitais à Tizguine», se souvient-elle. «Il n'y avait que des juifs et des musulmans qui étaient merveilleux pour nous», se rémémore-t-elle. Avec un père parti travailler, Yamna ne l'a jamais vu et a lutté avec sa famille pour survivre. «Quand j'étais enfant, les musulmans nous disaient de venir cueillir leur récolte et de prendre tout ce que nous voulions, des olives et des pommes de terre… De mon enfance, je me souviens de tout», se rappelle-t-elle.

Une enfance difficile

Mais l'enfance de Yamna était en effet unique et mérite d'être rappelée. Premier événement marquant de son enfance, lorsque son père a décidé de revenir enfin à la maison. «Un dimanche, j'étais assise dehors et j'ai vu cet homme marcher de loin. Il ne montait pas à cheval ni à dos d'âne», se souvient-elle. L'homme était en fait son père qu'elle ne pouvait pas reconnaître car il était parti depuis si longtemps. «Ma mère m'a dit d'entrer, mais je suis restée derrière la porte et je l'ai entendue lui dire qu'il ne pouvait pas entrer dans la maison», a-t-elle expliqué.

Le père de Yamna a dû passer la nuit chez ses voisins musulmans, qui sont venus plus tard dans la nuit pour informer la famille de son décès. Les voisins, cependant, avaient une histoire à raconter à Yamna et à sa mère. «Avant la mort de mon père, il a raconté son histoire à cette famille musulmane», a déclaré Yamna, ajoutant qu'il était venu à Tizguine pour mourir près de sa famille après avoir eu la vision qu'il allait mourir. «Il aurait marché du vendredi soir pour arriver à Tizguine, dimanche soir», a expliqué la nonagénaire.

Yamna est restée quelque temps au village. Elle n'est jamais allée à l'école et ne savait ni lire ni écrire, mais elle était consciente qu'elle devait travailler pour survivre. «Ma famille était bonne mais pauvre et j'avais surtout faim», explique-t-elle.

L'homme qui a sauvé le pacha

Yamna a déménagé à Marrakech et est allée de maison en maison pour travailler et vivre avec des familles juives. Dans le Mellah (quartier juif), elle a travaillé pour une famille très religieuse et y a assisté à l'un des plus grands événements de l'histoire de Marrakech.

«J'ai travaillé pour cette riche famille du Mellah qui n'avait pas d'eau, je devais donc aller à la fontaine pour apporter de l'eau. J'attendais qu'ils finissent pour manger et je marchais sans chaussures, au point que mes talons étaient craquelés par le froid.»

Yamna Maxwell

Un jour, alors qu'elle revenait à la maison où elle travaillait, elle entend la femme parler à son père très religieux. Le vieil homme a insisté pour rencontrer le Pacha Thami El Glaoui. «Il a dit à sa fille qu'il rêvait que quelqu'un à l'intérieur de la maison du Pacha essayait de le tuer et qu'il se devait le sauver», se rappelle Yamna.

En fait, l’homme pour lequel elle travaillait était Rabbi Pinhas Ha-Cohen, qui a effectivement sauvé, selon les récits historiques, le Pacha de Marrakech, à deux reprises.

«Il a rencontré le pacha. Des femmes de chambre lui ont apporté du thé et du lait. Il lui a dit de ne rien toucher. Il a amené un chat et lui a fait boire le lait, le chat était mort tout de suite.»

Yamna Maxwell

À Marrakech, Yamna a rencontré son premier mari et a eu son premier fils. Ce fut un court mariage, a-t-elle dit, alors que son mari partait pour Israël. «Il m'a demandé de l'accompagner et j'ai refusé car je voulais rester au Maroc avec ma famille», nous déclare Yamna.

Pour soutenir son fils, Yamna part d’abord à Casablanca. Là-bas, une Française lui propose de travailler dans son restaurant. La Marocaine de confession juive n’ayant pas de papiers d’identité, la Française l’aide à remplir les documents et met 1929 comme date probable de sa naissance.

Pendant son séjour à Casablanca, Yamna a été approchée par son demi-frère qui est venu de Rabat pour la chercher. Elle l'a accompagné et a vécu avec lui pendant un certain temps. Lui aussi décidera, par la suite, d’immigrer vers Israël, où il décède plus tard. «Je ne voulais pas aller avec lui. Je suis resté au Maroc pour ma famille et mes amis», justifie-t-elle.

Paradis sur terre

La jeune femme s’installe donc à Rabat où elle trouve un nouvel emploi et une baby-sitter pour son fils. Yamna travaillait dans une usine, où elle cousait des boutons pour les tenues militaires. C’est aussi dans la capitale qu’elle rencontre son deuxième mari, un ressortissant américain qui travaillait pour l'US Air Force. En 1956, Yamna, son mari et ses enfants partent pour les États-Unis, pour commencer une nouvelle vie dans cet endroit qu'elle considère comme «le paradis sur terre».

Dans le pays de l’Oncle Sam, Yamna, qui ne parlait pas anglais à l'époque, a dû s'adapter. Elle a travaillé dans un restaurant et a élevé ses enfants aux côtés de son mari.

Née Mina, Yamna est aujourd’hui une mère, une grand-mère et une arrière-grand-mère qui garde toujours un merveilleux souvenir de son pays natal. «L'Amérique est bonne mais le Maroc est beau, j’aurais tant aimé que l'Amérique soit littéralement attachée au Maroc où tout est bon, la nourriture, la météo,…»

Yamna visite fréquemment une synagogue locale proche de son lieu de résidence, où elle rencontre des amis et se remémore les anecdotes du Maroc. Elle dit aussi espérer qu'un jour elle pourra se permettre une visite dans son pays natal et qui sait, retourner une dernière fois dans son village, Tizguine.