Menu

angle_2

Diaspo #128 : Fatima Zahra El Hayani, la force dans les mollets

Cette jeune femme de 23 ans, originaire de Sidi Slimane, a enduré plusieurs épreuves avant de pouvoir réaliser son rêve de devenir cycliste. Elle espère un jour remporter un championnat du monde.

Publié
Fatima Zahra El Hayani, la force dans les mollets. / DR
Temps de lecture: 3'

A l’écouter nous raconter son parcours, il ne fait aucun doute que Fatima Zahra El Hayani a bien «un incroyable destin», comme le titrait il y a peu encore le quotidien régional breton Le Télégramme.

L’histoire débute il y a dix ans, dans sa ville natale de Sidi Slimane (nord-ouest du Maroc), sur le chemin de l’école. Alors qu’elle parcourt à vélo la dizaine de kilomètres qui sépare l’établissement scolaire du domicile familial, une crevaison la contraint de s’arrêter dans un garage pour faire réparer son pneu. «Le mécanicien n’avait pas le temps de réparer ma roue donc j’ai dû le faire toute seule», nous raconte-t-elle.

Elle fait là une première rencontre déterminante : la jeune femme, aujourd’hui âgée de 23 ans, y rencontre le fils du président du club de cyclisme de Sidi Slimane. Impressionné par sa maîtrise de la mécanique, il lui propose de rejoindre le club de cette petite ville, située à une soixantaine de kilomètres de Kénitra. Ni une, ni deux, Fatima Zahra El Hayani saute sur l’occasion : «J’étais super contente !» D’autant que son vélo, l’adolescente y tient beaucoup : «C’était un cadeau de mon père en récompense de mes bonnes notes à l’école. C’était un vélo normal, pas pour faire de la compétition, mais ça me permettait de parcourir le chemin de l’école.»

Des rencontres déterminantes

Elle s’entraîne au sein du club avec, cette fois-ci, un vrai vélo de course, et finit par signer un contrat. Ses qualités sportives et sa condition physique lui permettent d’arracher ses premières victoires – pas moins de neuf médailles sous les couleurs du drapeau marocain. Autant de sacres qui font d’elle la meilleure cycliste africaine, sur piste et sur route. Mais très vite, Fatima Zahra El Hayani déchante, découvrant malgré elle que la Fédération royale marocaine de cycliste porte peu d’attention aux femmes cyclistes : «Je ne recevais jamais les sommes qui allaient avec les médailles. Je ne pouvais pas me permettre de continuer à rouler et décrocher des victoires sans rien en retour, alors que ma famille était pauvre et avait besoin de moi. Malgré mon titre de championne d’Afrique, la fédération m’a abandonnée. Je n’ai pas eu de reconnaissance», estime-t-elle aujourd’hui.

Ses médailles, qu’elle garde précieusement, lui rappellent combien il lui a fallu se battre pour poursuivre l’aventure. La suite de l’histoire se déroule à 200 km de Sidi Slimane, dans la tonitruante Casablanca. Accompagnée de son entraîneur, elle y rencontre le président de la Fédération royale marocaine de cyclisme, à quelques jours d’un championnat d’Afrique. Mais surtout, elle y fait une deuxième rencontre déterminante : celle de Yann Dejan, alors directeur technique national au sein de la fédération marocaine.

«A force de travail, rien n’est impossible»

Constatant lui aussi ses capacités sportives prometteuses, il lui propose de la faire venir en France, dans le Morbihan (Bretagne). Avec l’accord de son père, Fatima-Zahra El Hayani arrive en décembre 2018 dans la commune de Baud, où Yann Dejan l’accueille au sein du foyer familial.

«C’est lui qui m’a ramenée ici car il pensait que j’avais tout pour réussir dans le sport de haut niveau. Il m’a tout appris, m’a donné ma chance. Il m’a ouvert toutes les portes pour que je poursuive mon rêve; je lui dois énormément. Sans lui, je n’aurais pas pu continuer le cyclisme.»

Fatima Zahra El Hayani

Durant notre entretien, Fatima Zahra El Hayani tient aussi à souligner le soutien de Nada Tazi, une Marocaine qui lui envoie chaque mois une petite somme d’argent pour l’aider à subvenir à ses besoins. «Ma famille n’a pas beaucoup d’argent donc je ne peux pas lui demander de m’en envoyer. Nada Tazi est comme une deuxième mère pour moi. Elle fait partie des bonnes personnes que j’ai rencontrées, qui ont cru en moi et m’ont fait confiance.»

Depuis janvier 2020, la jeune femme est encore plus contente : elle vient de «passer pro». Elle a en effet signé un contrat professionnel d’un an et intégré le club professionnel d’Arkéa, au sein duquel elle s’entraîne avec l’équipe féminine.

Pour l’instant, elle ne sait pas encore si elle reviendra au Maroc, mais une chose est sûre : «Je veux représenter mon pays lors des compétitions internationales. Je veux mettre le drapeau sur mon dos et rouler pour le Maroc. A force de travail, rien n’est impossible.» Même pas devenir, un jour, championne du monde, espère-t-elle.