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France : Eric Zemmour, l’islamophobie en direct sur LCI

Près de 32 minutes d’islamophobie, d’homophobie et de sexisme. C’est ce qui peut résumer l’intervention d’Eric Zemmour lors de la Convention de la droite, transmise en direct sur LCI et constituant un nouveau palier dans ce discours extrémiste qui plait tant à certains médias français.

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Eric Zemmour / Ph. Joël Saget (AFP)
Temps de lecture: 4'

Le polémiste Eric Zemmour est revenu, mercredi, sur son discours prononcé ce week-end à la «Convention de la droite». Sa réaction sur l’émission de talk-show «Zemmour et Naulleau», sur Paris Première, intervient au lendemain de l’ouverture d’une enquête à son encontre, pour «injures publiques en raison de l’origine ou de l’appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» et «provocation publique à la discrimination, la haine ou la violence».

En effet, son intervention du 28 septembre a fait la part belle à un discours résolument opposé au «remplacement» volontaire d’une population blanche et chrétienne par des immigrés musulmans, avec des concepts liés à l’«idéologie diversitaire» ou encore la «guerre d’extermination» visant «l’homme blanc hétérosexuel», sur la base des théories de l’écrivain Renaud Camus.

En réponse à la vague d’indignation qui s’en est suivie, Eric Zemmour persiste donc et signe. Il dit maintenir ses propos et n’«[injurier] personne» (sic). L’essayiste a notamment réagi à Eric Naulleau, qui lui a reproché d’avoir «franchi des limites» en versant dans des propos «indignes».

«C’est une insulte envers tous les musulmans de France, dont la plupart vivent paisiblement, et envers tous ceux qui, soit personnellement soit à travers leur famille, ont subi le nazisme», a estimé Eric Naulleau.

Une trame historique derrière le cheval de bataille médiatique

Ce n’est pas la première fois que Eric Zemmour, entre autres intellectuels proches de la droite française, développent à la télévision un discours stigmatisant vis-à-vis d’une partie de la population du pays, principalement les musulmans. «Si la présence de populations musulmanes en Europe et en Amérique du Nord est ancienne, sa visibilité dans l’espace public semble désormais constituer un enjeu politique majeur pour les sociétés occidentales», tente d’expliquer la sociologue Houda Asal.

Dans sa contribution «Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept – Etat des lieux de la recherche», la chercheuse estime en effet que «la notion d’islamophobie s’est diffusée dans l’espace public français depuis plusieurs années (…) Plusieurs institutions et acteurs participent au processus de production de discours, dans les champs scientifiques, politiques et médiatiques, reflétant les questions politiques et idéologiques que l’utilisation de cette notion nouvelle soulève».

Plus loin, Houda Asal analyse que «l’histoire de la diffusion d’une image négative de l’islam en Occident est abondamment traitée mais rarement synthétisée de manière à mesurer l’impact de ces différents imaginaires aujourd’hui». «Entre l’orientalisme médiéval, imprégné des luttes religieuses entre Chrétienté et Islam, la période des Lumières rejetant la religion musulmane comme irrationnelle et arriérée ou la période coloniale qui façonne l’image des musulmans en France».

«Comme le montrent plusieurs textes de l’ouvrage collectif d’Esposito et Kalin (2011), l’impérialisme serait responsable de l’islamophobie actuelle, en se présentant, à l’instar de l’orientalisme du XIXe siècle, comme un processus d’altérisation (othering) servant à légitimer la domination militaire, politique et culturelle occidentale», indique Houda Asal dans ce sens.

Un racisme décomplexé sur les médias mainstream

Ainsi, analyser cette attitude permet d’«élargir le regard sur les processus d’exclusion et de racisme au niveau des Etats» dans les temps actuels, estime Houda Asal. A ce propos, elle écrit que «cette hostilité est visible dans les médias, elle se manifeste par l’exclusion des musulmans dans les secteurs économique, social et politique, et enfin, par des discriminations et des harcèlements fréquents».

Pour la sociologue, définir l’islamophobie comme un racisme peut être analysé à la lumière des comportements relevant de l’antisémitisme. Avec des différences de contexte, Houda Asal soulève des «processus de racialisation religieuse similaires qui ont construit ces deux groupes à partir du marqueur religieux».

Elle indique également que «l’islamophobie relève d’un racisme structuré qui se manifeste concrètement plutôt que d’une peur irrationnelle comme le suggère l’étymologie du mot», même si cette dernière peut évoquer «une panique morale, ou peur collective, qui se retrouve dans la plupart des pays occidentaux» vis-à-vis des musulmans.

C’est également le propos du sociologue Marwan Mohammed qui écrit que «l’idée que l’islam pose problème est aujourd’hui une sorte d’évidence sociale, largement répandue et massivement relayée dans les champs médiatique, politique, les réseaux sociaux et plus largement dans l’opinion telle qu’elle est sondée». «Cette évidence sociale participe de l’islamophobie, un phénomène social longtemps ignoré en France au sein des mondes académique et politique», explique le chercheur.

Dans ce sens, Marwan Mohammed tient à rappeler que l’islamophobie est «un processus complexe d’altérisation qui s’appuie sur le signe de l’appartenance réelle ou présumée à la religion musulmane», à travers «le fait de réduire l’agir social des musulmans, réels ou présumés, à un agir religieux essentialisé, en effaçant ou en atrophiant la pluralité et la complexité identitaires et communautaires de cette population».

Pour lui, il s’agit d’un «phénomène social global qui a peu à voir avec la critique légitime des religions et qui n’est pas réductible à un acte de rejet, quel qu’en soit le registre». Cette affirmation répond aux propos d’Eric Zemmour qui considère son discours comme tel, mais qui permet en réalité de faire la promotion d’idées racistes et d’appel à la guerre civile. 

Mi-septembre, la Cour de cassation a d’ailleurs validé une première condamnation du polémiste pour provocation à la haine religieuse. De son côté, la direction de Paris Première affirme avoir convoqué Eric Zemmour avant la diffusion de son émission, «afin de revenir sur sa participation récente à des événements politiques et sur [ses] propos particulièrement choquants et provocateurs», tout en lui rappelant «fermement les conditions de sa participation» au talk-show. Tranchant sur une décision définitive, la chaîne radio RTL a annoncé, ce jeudi, cesser sa collaboration ponctuelle avec le polémiste, déjà éloigné depuis 2018 de ses chroniques hebdomadaires.