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Christchurch : En France, le lien avec la théorie du «grand remplacement» a du mal à passer

Depuis la fusillade terroriste des deux mosquées de Christchurch (Nouvelle-Zélande), plusieurs personnalités politiques, écrivains et intellectuels français ont tenté de justifier cet acte. D’autres encore ont été dans le déni de la théorie du «grand remplacement», qui rejoint pourtant leurs idées…

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Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national / Ph. Jérôme Fouquet (Ouest-France)
Temps de lecture: 4'

«Je ne connais pas cette théorie du ‘grand remplacement’. Je n’ai jamais utilisé ce terme-là». Cette déclaration est celle Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national (ex-FN), sur le plateau de l’émission «Dimanche en politique» sur France 3. Invitée à l’émission hier, elle nie tout rapprochement entre elle et cette théorie, défendue par l’écrivain français d'extrême droite Renaud Camus.

Pourtant, Marine Le Pen est citée dans le manifeste publié par Brenton Tarrant peu avant son passage à l’acte. L’Australien de 28 ans y évoque même un «génocide blanc», expliquant que la défaite du RN à la présidentielle française a été l’un des principaux faits l’ayant poussé à prendre les armes.

Selon cette théorie complotiste et raciale, le multiculturalisme serait la cause principale d’une déperdition de la population blanche européenne et de culture chrétienne, exactement comme l’explique Le Pen dans ses interventions et comme le soutient Tarrant dans son écrit. En effet, le «grand remplacement» soutient que ces peuples et leurs civilisations seraient en train d’être «remplacés» par des immigrés de couleur, principalement de confession musulmane, porteurs d’autres modes de vie, voire d’idéologies violentes opposées aux principes modernes des sociétés européennes.

Adhérer au «grand remplacement» mais ne pas le nommer comme tel

Ces idées sont revenues souvent chez Marine Le Pen, notamment lorsqu’elle s’opposait à l’introduction de l’enseignement optionnel de l’arabe dans les écoles françaises. En septembre 2018, elle a par ailleurs dénoncé sur Twitter la «folle politique immigrationniste» de l’Union européenne, de même qu’une immigration qui effacerait «par dilution ou substitution» la culture et le mode de vie français.

En 2011, Marine Le Pen a déjà confirmé son adhésion à l’idée, notamment lors d’un rassemblement tenu à Bompas (Occitanie) dans le cadre des élections cantonales. «Comment pourrions-nous nous satisfaire de voir nos adversaires poursuivre leur œuvre de ruine morale et économique du pays, de le livrer à la submersion par un remplacement organisé de notre population, d’asservir notre peuple à la dictature des marchés ?», avait-elle lancé.

Si ses tirades sur la migration rejoignent souvent la théorie du «grand remplacement», la numéro un du RN a tenu dimanche un autre discours de circonstance. «Nous n’avons jamais lutté contre les musulmans ; nous ne luttons pas d’ailleurs contre l'islam, qui est une religion, s’est-elle défendue. Nous luttons contre le fondamentalisme islamiste, qui est une idéologie qui a fait des centaines d’attentats dans le monde, y compris contre des mosquées». La députée du Pas-de-Calais soutient aussi qu’il n’existerait pas d’islamophobie en France, encore moins de mouvements qui «exposent une théorie contre l’islam».

Pourtant, Le Monde rappelle qu’en 2015, la présidente du RN ne s’est pas opposée à l’adhésion de Renaud Camus au SIEL (Souveraineté, indépendance et libertés), petit parti allié au Front national. Des photos remontant il y a six ans ont été exhumées sur Twitter, montrant Le Pen et Camus au Forum national des droites, organisé les 12 et 13 avril 2013, à Dourdan.

Trouver des justifications à Brenton Tarrant

Au sein des mouvances de l’extrême droite, Le Pen n’est pas la seule à relativiser la violence de Brenton Tarrant qui retrouve ses origines idéologiques dans les idées prônées par ces formations-là. Elle n’est pas non plus la seule à défendre celle-ci, tout en étant dans le déni. Christine Tasin, présidente du mouvement identitaire Résistance Républicaine, prône également le ‘grand remplacement’ sans le nommer.

Connue pour avoir organisé l’apéro saucisson-pinard et les «Assises contre l’islamisation de l’Europe» avec le Bloc identitaire, mouvement d’extrême droite, elle dénonce la tuerie de Christchurch mais souligne que celle-ci ne peut être considérée comme un terrorisme à l’image de celui des assaillants de Daesh. «Ce qui s’est passé à Christchurch est abominable, détestable, monstrueux, a-t-elle écrit dimanche. Il n’empêche que je ne peux accepter que l’on renvoie dos à dos les assassins du Bataclan – ou Mohamed Merah – et Brenton Tarrant. Ce serait injuste et une erreur».

La militante identitaire tente ainsi de justifier l’acte de l’Australien : «Dans le cas des assassins du Bataclan ou de Mohamed Merah, ces musulmans tuent pour tuer (et accessoirement aller au Paradis baiser 77 vierges) ; pour déchaîner la terreur ; pour imposer l’islam à tous, par la terreur, par la violence ; parce que le mode de vie occidental ne leur convient pas. Le mal pour le mal. Dans le cas de Brenton Tarrant, il raconte avoir été bouleversé et terrorisé quand il a découvert le sort terrible de la petite Ebba Akerlund, et cela lui a ouvert les yeux».

De quoi susciter l’indignation auprès de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux qui dénoncent le fait que des «gens expliquent que le terroriste avait raison de se sentir anxieux de voir des immigrés sur une terre colonisée par ses semblables, qu’il faut le comprendre et arrêter de crier au loup».

Quant au théoricien du «grand remplacement», Renaud Camus, après avoir nié toute affiliation avec le terroriste de Christchurch, il a repris du poil de la bête à la faveur des nombreux soutiens médiatiques à sa théorie, à l'instar de Robert Ménard (LCI), Ivan Rioufol et Elisabeth Levy (CNews), entre autres. Confondant religion et origine ethnique, il rajoute une couche de provocation en conseillant aux musulmans de quitter la France «par sécurité».