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Peine de mort : Les déclarations de Ramid «ne surprennent plus» les abolitionnistes

Ce lundi, l’AMDH et l’Observatoire des prisons, deux associations membres de la coalition marocaine contre la peine de mort, réagissent aux propos tenus par Mustapha Ramid. Le ministre d’Etat aux droits de l’Homme a déclaré vendredi à Tanger que l’abolition par le Maroc de cette peine n’est pas pour sitôt, ce qui ne surprend plus les abolitionnistes.

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Une manifestation d'Amnesty International devant le Parlement à Rabat contre la peine de mort. / Ph. Fadel Senna - AFP
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«La peine capitale ne sera pas abolie de sitôt au Maroc». La déclaration émane du ministre d’Etat aux droits de l’Homme et ancien ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid. Prenant part vendredi dernier au conclave des avocats affiliés aux différents barreaux du Maroc, organisé à Tanger, le responsable a réitéré son refus de l’abolition totale de la peine de mort.

Cité dans l’édition de ce lundi du quotidien arabophone Assabah, le ministre a estimé que «certains crimes particulièrement graves et cruels, comme l’enlèvement, le viol puis l’assassinat d’enfants, méritent la condamnation à mort de leurs auteurs». Une position qui donne un avant-goût du prochain vote du Maroc à l’Assemblée générale de l’ONU pour l’instauration d’un moratoire universel sur l’application de la peine de mort.

La position de Mustapha Ramid n’étonne pas les abolitionnistes au Maroc. Contacté ce lundi par Yabiladi, le président de l’AMDH, association membre de la Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM), estime que les propos de Ramid ne sont pas une première et dénonce une «position contraire à la voie empruntée par le Maroc avant 2011». 

«Un retour à la case de départ»

Ahmed El Haij rappelle que «le rapport final de l’Instance équité et réconciliation (IER) avait recommandé l’approbation du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort (New York, 15 décembre 1989, ndlr)». «De plus, en 2008, lors de la présentation de sa candidature au Conseil des droits humains de l’ONU, le Maroc s’était engagé à abolir la peine de mort dans le cadre des réformes qu’il avait entreprises», poursuit l’associatif.

«Il y a donc un retour à la case départ. Malheureusement, depuis 2011, la position du royaume sur cette question a carrément changé. A chaque fois que la peine de mort est évoquée, le gouvernement s’oppose à son abolition.»

Ahmed El Haij

Notre interlocuteur fait également savoir que le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) «a récemment présenté devant le Parlement son rapport, dans lequel il a appelé l’institution législative à revoir la position du Maroc sur cette peine». «Je crois que le vote du Maroc lors du rendez-vous de décembre ne changera pas par rapport à l’année dernière», dénonce-t-il.

Mais le président de l’AMDH appelle toutefois à ce que «le royaume vote pour l’instauration de ce moratoire, surtout que le pays n’applique plus la peine de mort». «Autant officialiser cette abolition», conclut-il.

Les peines de mort en hausse en 2017

Pour sa part, Abdellah Mesdad, secrétaire général de l’Observatoire marocain des prisons, qui fait également partie de la CMCPM, est du même avis. «La déclaration de Ramid ne nous surprend pas et nous nous attendons toujours à ce qu’elles soient négatives sur cette question», nous répond-t-il. Il rappelle notamment que Mustapha Ramid est «l’un des architectes de la Stratégie nationale pour la démocratie et les droits de l’Homme, alors que l’axe le plus controversé de cette stratégie est celui relatif à la peine de mort».

«Mustapha Ramid ne cesse d’affirmer que l’abolition n’est pas pour sitôt, que les conditions ne sont pas réunies. Cela contredit la vision mondiale qui se dirige vers l’abolition de la peine de mort puisque 142 pays ont aboli cette peine, alors que les pays ayant approuvé le deuxième protocole ne cessent d’augmenter.»

Abdellah Mesdad

L’occasion pour le responsable de l’OMP de mettre en avant des pays voisins ayant ratifié ce protocole, comme l’Algérie ou la Tunisie. Pour Abdellah Mesdad, «Mustapha Ramid résiste à toute avancée sur cette question, que ce soit dans la réforme du code pénal ou la justice».

Chiffre à l’appui, il rappelle qu’«en 2017, 15 peines de mort ont été prononcées par des juges au Maroc alors qu’en 2016, il n’y a eu que 8 peines». «Jusqu’à septembre 2018, le nombre a déjà atteint 9 peines prononcées depuis le 1er janvier de l’année en cours», enchaîne-t-il. Un constat qui le pousse toutefois à «espérer que le Maroc ne s’abstiendra pas de voter encore une fois à l’ONU, et votera pour l’abolition».