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Chronique du Dr Lahna : Au-delà du dépistage du cancer…

Octobre rose, le mois du dépistage du cancer du sein avec ses rubans et son armada de conseillers, il n’y a qu’à faire ceci et il n’y a qu’à faire cela. Pour vous sortir de ce monde idyllique et bon enfant, je souhaite vous raconter ce qui arrive à beaucoup de femmes, à qui on dépiste des nodules des seins plus ou moins suspects, et qui sont adressées vers un système qui n’assure pas la suite.

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Photo d'illustration. / DR
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D’abord, dans les fameuses caravanes qui permettent de voir du pays, et réaliser quelques consultations à la chaîne. Quand le médecin d’une association dépiste un nodule suspect chez une dame, il l'envoie vers l’hôpital le plus proche comme si les services étaient huilés et qu’il suffisait à la dame de prendre un taxi clandestin pour être accueillie et traitée. Après la déception de l’accueil et les rendez-vous dans plusieurs semaines, la famille retourne au domicile jusqu’à ce que la tumeur évolue et devienne douloureuse et inflammatoire. Bien sûr c’est trop tard, puisque le traitement est plus lourd et les chances de survie diminuent comme peau de chagrin.

Dans une ville où les gynécologues, submergés par les urgences, n’arrivent plus à opérer les interventions réglées, les patientes dépistées sont dirigées vers un centre hospitalo-universitaire. Les résidents qui les voient leur prescrivent une liste d’examens, qu’on appelle bilan d’extension, nécessaire pour éliminer une métastase et établir un protocole thérapeutique avec les cancérologues.

Mais l’absence d’empathie des soignants, devenue transmissible, fait que personne ne se doute de la manière dont ces femmes indigentes vont se débrouiller pour faire ces examens, dont la plupart doivent être réalisés dans le secteur privé pour des raisons diverses et variées, comme l’absence de réactifs, la panne d’un scanner ou le rendez-vous lointain d’une scintigraphie par exemple.

Vendre du rêve

La famille rentre à la maison, ordonnances de prescription en mains, en attendant des jours meilleurs qui n’arrivent pas parce que là aussi, la tumeur continue à évoluer.

D’autres familles sont obligées d’arrêter le traitement faute de moyens pour se loger et se nourrir dans une grande ville. Là, on peut saluer le travail en cours de deux associations que je connais sur Marrakech. Chacune est sur un projet de structure d’accueil avec moyen de transport de et vers l’hôpital. Une lueur d’espoir, qui correspond justement au nom de l’une d’entre elles.

Alors cessons de vendre du rêve au petit peuple si on ne lui balise pas tout le circuit de soins, du dépistage aux examens complémentaires vers le traitement, sans oublier la prise en charge psychologique et la qualité de l’accueil.

Dépister sans accompagner, c’est verser de l’eau dans le sable. Un jour quand on fera vraiment bien les choses en se mettant à la place des gens, au lieu de faire semblant, on verra certainement les résultats. Gardons espoir !

Chaque semaine retrouvez sur Yabiladi.com la chronique santé du Docteur Zouhair Lahna, chirurgien obstétricien et acteur associatif, fort d’une longue expérience dans les zones de conflit. Cet ancien chef de clinique des universités Paris-VII est aussi ancien vice-président d’Aide médicale internationale et membre de Médecins sans frontières-France.