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Réfugiés yéménites au Maroc : Etudiants à leur arrivée, réfugiés depuis la guerre

La série Yabiladi dédiée aux réfugiés livre un aperçu de la vie de ces demandeurs d’asile qui fuient la guerre pour s’établir au Maroc. Ce mois-ci, quatre réfugiés yéménites témoignent de leur histoire et de leur installation au royaume. Reportage.

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Abdou à gauche, Fouad en haut à droite et Hachem en bas à droite. / Ph. Sarah Mokadader, HCR
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Si les réfugiés syriens et irakiens sont souvent portés sur le devant de la scène médiatique au Maroc, reste que les Yéménites concentrent la deuxième nationalité de réfugiés la plus représentée au royaume. Hachem, Fouad, Abdou et Ola l’ont choisi pour s’y installer. La première chose qui les relie ? Une passion commune pour les études.

Tous les quatre sont en effet venus faire leur doctorat au Maroc. Au Yémen, les conditions de vie se détérioraient à cause de la guerre civile ; ils ont donc été obligés de demander le statut de réfugié.

«Je suis venu au Maroc pour continuer mes études et fuir la guerre», raconte Hachem, inscrit en deuxième année de doctorat en économie. Installé à Kenitra depuis début 2016, ce jeune père de famille a débarqué au royaume seul : «Au début, mon fils cadet ne m’a plus parlé, estimant que je l’ai abandonné», se remémore-t-il. «Je n’en dormais pas la nuit. J’avais peur pour eux vu que les frappes aériennes visent des innocents qui n’ont rien à voir avec la guerre». Malgré le temps qui s’écoule, Hachem garde contact avec les siens grâce aux réseaux sociaux et parvient à les rapatrier auprès de lui en mai 2016.

Fouad, lui, est au Maroc depuis bien plus longtemps. Ce natif de la ville d’Ibb (nord-est) y est venu au début de l’année 2009 en tant qu’étudiant en échange pour décrocher un master en géologie. Depuis, la route a été longue : l’homme de 37 ans poursuit actuellement un doctorat dans cette filière à Casablanca et a rencontré la femme de sa vie en 2014, Ola, Yéménite de 33 ans. Père d’un nourrisson de deux mois, il affiche un sourire qui l’accompagne constamment et un humour indéniable. Sa femme s’exprime comme une Marocaine «pour faciliter les choses et ne pas sentir le racisme», précise-t-elle. Originaire de la ville d’Omrane (nord), elle suit un doctorat en sciences juridiques, à Agadir.

«Le Maroc est mon pays de cœur, un pays frère»

Originaire de la même ville qu’Ola, Abdou est installé depuis 2012 à Rabat, où il prépare un doctorat en chimie : «Je suis venu en échange avec une bourse du gouvernement yéménite. Mais depuis quelque temps, nous ne la recevons plus», raconte-t-il. Et d’ajouter, ému : «J’ai trois enfants qui sont restés au Yémen. C’est devenu difficile de les faire sortir du pays.» Son vœu le plus cher est qu’ils s’installent avec lui pour qu’ils puissent définitivement faire leur vie au Maroc.

Les quatre réfugiés sont unanimes : le royaume fut leur meilleur choix. Leur intégration n’a pas été difficile, disent-ils. «Le Maroc est mon pays de cœur, un pays frère où les gens sont gentils et se comportent de manière honorable et honnête. Les Marocains ont constamment le sourire», glisse Hachem. Dans la même lignée, Fouad, qui a beaucoup voyagé auparavant, vante la «gentillesse» des Marocains qui le traitent comme un membre de leur famille ; «comme si on se connaissait depuis longtemps», assure-t-il. «On est bien intégrés ici, on se sent comme dans notre pays. Le sentiment de dépaysement est inexistant pour moi, contrairement à ce que j’ai connu dans les autres pays où j’ai vécu», ajoute-t-il. Pour lui, la société marocaine est «dans l’acceptation de l’autre». Même constat chez Abdou qui ne «se sent pas réfugié».

En revanche, des difficultés se posent sur le plan financier. Et pour cause, ces quatre Yéménites ne travaillent pas parallèlement à leurs études. «Je me suis inscrit au HCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ndlr). L’organisme nous verse 600 dirhams par mois», dit Abdou. Fouad et Ola sont logés à la même enseigne : «Nous n’avons pas de rentrée d’argent, juste les subventions du HCR. La bourse dont nous disposons au Yémen tarde à arriver», raconte ce futur docteur en géologie. «On pensait avoir une aide au logement de la part de l’organisme onusien et une subvention plus conséquente pour faire nos études», regrette-t-il.

Tous les quatre avaient un emploi stable au Yémen avant que la guerre ne vienne tout détruire. A présent, ils tentent petit à petit de s’insérer professionnellement au Maroc. Ce qui est certain, l'impression qui se dégage des rencontres avec ces Yéménites est emrpeinte de dignité et de sérénité malgré la difficulté des épreuves rencontrées. «De quoi vieillir avant l’heure», ironise gentiment Hachem.