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Histoire : En 1978, l’Algérie a proposé la création d’un «Etat sahraoui» à Oued Ed-Dahab

En 1978, l’Algérie a proposé la création d’un «Etat sahraoui» sur le territoire d’Oued Ed-Dahab, contrôlé par la Mauritanie, pour laisser au Maroc la souveraineté sur Es-Sakia El Hamra. Selon des documents américains déclassifiés, cette option a été rejetée par Rabat.

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L’Algérie affirme ne pas être partie prenante dans la question du Sahara occidental, tout en arguant que les deux concernés sont le Maroc et le Front Polisario. Pour autant et depuis l’émergence du différend régional, Alger a déployé tous ses efforts pour la création d’un nouvel Etat sur le territoire des provinces du sud. C’est ainsi qu’à la fin des années 1970, le voisin de l’Est a revendiqué ouvertement «un Etat sahraoui» qui s’étendrait à partir d’Oued Ed-Dahab, après le retrait de la Mauritanie.

Un mémorandum déclassifié du secrétaire d’Etat américain Cyrus Vance (1977 - 1980) au président des Etats-Unis Jimmy Carter (1977 - 1981), en date du 4 août 1978, indique que «des envoyés marocains et algériens se sont rendus à Paris» dans la semaine, pour être reçus «séparément» par le chef d’Etat français Valéry Giscard d’Estaing (1974 - 1981). Le responsable à Washington souligne que la partie française «reste totalement silencieuse sur le contenu de ces échanges», mais qu’il ne fait «aucun doute» sur la nature de la démarche en vue de «faciliter un règlement négocié du conflit du Sahara».

L’Algérie orchestre les négociations entre le Polisario et la Mauritanie

Dans ce contexte, la même source rapporte que «les issues pour une solution diplomatique se sont considérablement améliorées, à la suite du coup d’Etat mauritanien ayant eu lieu le mois dernier, depuis que les nouveaux dirigeants du pays ont clairement exprimé leur intention de sortir de la guerre, qui ravage une Mauritanie économiquement affaiblie». Aussi, «la déclaration du Polisario pour un cessez-le-feu en Mauritanie a renforcé les perspectives de paix», ajoute le secrétaire d’Etat américain. Selon lui, «il semble que la pierre angulaire d’un règlement négocié est la création d’une entité politique sahraouie dans cette partie du Sahara occupée par la Mauritanie».

«Le régime de Nouakchott est prêt à céder ce territoire et les Algériens ont renoncé à exiger que le Polisario ait la possibilité de créer un Etat sahraoui englobant tout l’ancien Sahara espagnol. Ce qui n’est pas clair, c’est dans quelle mesure les Marocains, qui ont des forces dans la région, accepteraient un tel arrangement, et que le Polisario se contente de cela.»

Du mémorandum de Cyrus Vance à Jimmy Carter

Cependant, le Maroc a refusé l’option proposée par l’Algérie. Un autre mémorandum daté du 15 août 1979 a été adressé cette fois-ci par le secrétaire exécutif des Affaires étrangères à l’adjoint du président aux affaires de sécurité nationale. Portant sur une «proposition de lettre présidentielle au roi Hassan II», l’écrit indique que les évènements évoluent «rapidement au Sahara occidental après l’accord de paix séparé entre la Mauritanie et le Front Polisario».

«Le Front Polisario a lancé une attaque majeure contre un avant-poste marocain à la pointe sud de la partie marocaine du Sahara occidental. Il semblerait que le Maroc soit en train de revendiquer l’ancienne partie mauritanienne, et bien qu’une telle décision puisse temporairement réduire la pression au Maroc pour attaquer les bases du Polisario en Algérie, la situation reste instable et les combats pourraient rapidement s’intensifier.»

Mémorandum du 15 août 1979

Plus loin, le document recommande que «le président adresse un message cordial au roi Hassan II, reconnaissant les problèmes auxquels il est confronté et réaffirmant l’intérêt pour une solution pacifique». L’Algérie a ensuite tenté d’imposer un fait accompli, en parrainant les négociations entre le front séparatiste et la Mauritanie, les 3 et 4 août 1979.

Les deux parties ont signé un engagement de paix, annonçant par ailleurs le retrait officiel de la Mauritanie de l’Accord de Madrid. A Nouakchott, les décideurs donnent l’ordre à leurs forces militaires de se retirer du territoire d’Oued Ed-Dahab et de céder ce dernier aux milices du Polisario.

Le Maroc riposte également par le fait accompli

Face à cette nouvelle situation imposée sur le terrain, le Maroc a dû réagir rapidement. Le roi Hassan II (1962 – 1999) ordonne aux Forces armées royales de se rendre sur le territoire d’Oued Ed-Dahab, pour contrecarrer le projet du Polisario et de son allié algérien. Avant même que l’accord entre la Mauritanie et le mouvement séparatiste ne prenne effet, l’armée marocaine a déjà été déployé sur le terrain. Le 14 août 1979, plusieurs érudits et cheikhs de la région se sont rendus dans la capitale marocaine, Rabat, afin de prêter allégeance au souverain défunt.

Six jours plus tard, le ministère de l’Intérieur du Maroc a publié le décret 2.79.659 portant création de la préfecture d’Oued Ed-Dahab. Le 4 mars de l’année 1980, feu le roi Hassan II s’est rendu dans la ville de Dakhla en tant que centre régional, pour une cérémonie d’allégeance à l’occasion de la Fête du trône. Par cette démarche, le royaume a adressé expressément plusieurs messages forts, à la fois au Front Polisario et à l’Algérie.

Au fur et à mesure des changements de situations, le début des années 2000 a annoncé le déclin significatif du soutien international au Polisario. En conséquence, l’Algérie est revenue à la charge. En 2002, le voisin de l’est a ainsi formulé une nouvelle proposition, cette fois-ci pour diviser le territoire entre le Maroc et le Front Polisario, en laissant Es-Sakia El Hamra au royaume, soit les deux tiers du Sahara. Par ailleurs, le mouvement séparatiste créerait un «Etat» au niveau d’Oued Ed-Dahab, soit le tier restant.

Un rapport du secrétaire général des Nations unies relatif à la situation au Sahara, publié le 22 mai 2003, retient que le Maroc a une fois de plus exprimé son rejet catégorique de l’option de partition proposée par l’Algérie.