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Maroc : L’inévitable réforme des systèmes de retraites

Face à l’urgence de la réforme, le comité formé par le gouvernement et les syndicats doit rendre une copie avant le mois d’avril alors que plusieurs caisses connaissent déjà un «déficit technique». Le défi reste aussi de trouver «des sources de financement innovantes et adaptées».

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Photo d'illustration. / DR
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Au Maroc, le comité chargé de la réforme des systèmes des retraites accélère le pas pour tenir une nouvelle réunion. Annoncée pour la mi-janvier, elle devrait se tenir cette semaine, afin de conclure, comme prévu, ses travaux en avril prochain.

Selon des sources médiatiques, le comité doit ainsi présenter, dans moins de trois mois, des scénarios de réforme et une feuille de route pour sa mise en œuvre, au Comité du dialogue social. En octobre dernier, le gouvernement a pris l'initiative de tenir une première réunion avec les syndicats et la Confédération générale des entreprises du Maroc, au cours de laquelle la méthodologie de travail du Comité de réforme des systèmes de retraite et son calendrier ont été approuvés.

La semaine dernière, lors de la session de questions orales à la Chambre des conseillers, la ministre de l'Economie et des finances, Nadia Fettah a affirmé que le gouvernement est «déterminé à réformer le système de retraite en concertation avec tous les partenaires», estimant qu'«il n'y a pas de solutions faciles». «Le système de retraite était déjà sur la table des gouvernements précédents pendant des années, et les mesures prises n'ont pas permis d'aboutir à une solution», a-t-elle ajouté.

Plusieurs caisses en «déficit technique»

Nadia Fettah a rappelé que trois caisses concernées par la réforme connaissent un «déficit technique», ce qui fait que les différentes parties à la concertation s'accordent sur la nécessité de traiter ce dossier. «Nous sommes prêts à vous fournir les chiffres et les données», a-t-elle dit, ajoutant qu'une réunion se tiendra ce mois-ci pour mettre à jour les statistiques sur lesquelles l'étude était basée et qui remontent aux années 2018 et 2019. La ministre a également souligné que le dialogue reprendra avec les différents partenaires à partir de mars prochain pour se mettre d'accord sur les éventuelles solutions, dans la perspective de clore ce dossier d'ici l'été ou septembre prochain. Et de faire remarquer que la question de l'âge et des cotisations seront certainement soulevées.

En attendant, l’Union marocaine du travail (UMT) a déjà annoncé la couleur. La semaine dernière, son secrétaire général Miloudi Moukharik a affirmé que la centrale syndicale «rejette» la proposition de relever l'âge de la retraite à 65 ans, d’augmenter les prélèvements car ceux-ci frappent le pouvoir d'achat ou de «réduire» les pensions de retraite «déjà faibles et qui qui ne garantissent pas au retraité une vie décente».

Le régime des retraites au Maroc n'est pas dans une situation confortable. Sans réforme, plusieurs caisses sont menacées d’épuiser leurs réserves dans les prochaines années, alors que des signes de déficits globaux se feront sentir dès l’année 2024. 

Pour «des sources de financement innovantes et adaptées»

Dans un article publié en ce mois de février dans la revue European Journal of Sustainable Development, deux chercheurs de l’Institut national de statistique et d'économie appliquée (INSEA) se sont intéressés à la pérennité du régime de retraite marocain. Saïd Outlioua et Abdesselam Fazouane ont ainsi tenté d'identifier les facteurs qui peuvent avoir un impact sur la durabilité du système de retraite marocain. Pour ce faire, ils ont étudié l'historique et la situation actuelle du système de retraite marocain.

Dans leur article, les deux chercheurs ont ainsi identifié certains facteurs qu’ils ont quantifiés par des variables correspondantes. «Au total, dix variables représentant l'ensemble des facteurs ont été retenues, ainsi qu'une variable représentant la pérennité du système de retraite.  Les facteurs retenus concernent le contexte économique du pays, le contexte démographique, le contexte financier, le contexte politique, la gestion des fonds de pension et le contexte législatif», expliquent-ils.

Les deux chercheurs ont indiqué que les variables qui ont eu le plus d'impact sur la viabilité du système de retraite au cours de la dernière décennie sont le poids de l'emploi informel, le ratio démographique, le rendement des OPCVM et l'indice synthétique de fécondité. «Ce résultat réaffirme l'impact des facteurs économiques et démographiques, mais aussi du facteur financier. En effet, une allocation stratégique et efficace des réserves résultant de l'accumulation de l'excédent des cotisations sur les prestations permet de générer un flux financier supplémentaire pour les régimes de pension, permettant ainsi de réduire les charges financières desdits régimes», ajoutent-ils. L’étude a également montré que durant la dernière décennie (2010-2019), le facteur financier a un effet plus prononcé sur la viabilité des régimes de retraite marocains que dans les décennies précédentes.

Pour ses rédacteurs, «l'utilisation de sources de financement innovantes et adaptées au secteur des retraites est devenue une nécessité». Ils estiment aussi que «les efforts déployés par les pouvoirs publics pour assurer une couverture généralisée de la population par l'assurance pension, notamment les travailleurs indépendants, auront sans aucun doute des effets positifs sur la viabilité du système de pension» pour les années à venir.