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Maroc : Réactions à la condamnation de Soulaiman Raissouni

AMDH, membres d’Al Adl Wal Ihsane, avocat et activistes ont dénoncé une peine «sévère» et un procès «entaché de plusieurs violations», au lendemain du jugement rendu à l’encontre du journaliste, détenu depuis mai 2020 et qui condamné à cinq ans de prison et une amende de 100 000 dirhams.

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Le journaliste Soulaiman Raissouni. / DR
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Les premières réactions fusent au lendemain de la condamnation du journaliste Soulaiman Raissouni par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca, à cinq ans de prison et 100 000 dirhams d’amende. Poursuivi pour «attentat à la pudeur et séquestration» pour des faits remontant à fin 2018, il était absent de l’audience finale.

Ainsi, l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a dénoncé, ce samedi, une «décision injuste et une vengeance à l'encontre du journaliste» après un «faux procès dans lequel la présentation de la loi a été violée et la justice a été utilisée pour régler un compte politique avec un journaliste libre et dérangeant». Dans un long communiqué, l’ONG a estimé que «la justice marocaine commet la plus odieuse des violations contre les principes du droit et de la loi, et contre les normes d'un procès équitable», qualifiant Soulaiman Raissouni de «victime» et de «prisonnier d'opinion».

Une décision qui confirme «le recours continu de la justice pour régler des comptes»

Pour l’association, «le procès et le verdict ont été prononcés sans que le ministère public ne fasse sortir Soulaiman de prison, malgré son insistance à y assister, et en l'absence de sa défense, qui a refusé d’assister à un procès sans faire venir l'accusé».

«Le verdict désastreux a été rendu contre Soulaiman Raissouni, arrêté le 22 mai 2020, après une série de violations des droits du prévenu, notamment son arrestation hors la loi, la falsification du procès-verbal de l’arrestation, son maintien en détention même après l’expiration de la période de garde à vue théorique. Il s'est vu refuser l'accès à son dossier d'accusation jusqu'à ce que le tribunal rende une décision dans l'affaire 11 mois après son arrestation. Le juge d'instruction a refusé d'appeler les témoins à décharge alors que la règle des droits humains n'a pas été activée en accélérant la présentation de l'affaire à l'instance judiciaire dans des délais raisonnables.»

AMDH

Fustigeant d’autres «violations» ayant entaché ce procès, l’ONG déplore que «la présemption d’innocence» du journaliste n’a pas été respectée et rappelle les «campagnes de diffamation, d'insultes et de calomnies» lancées à son encontre. L’AMDH a ainsi réitéré son appel à «la libération immédiate» du journaliste, en assurant son «entière solidarité à Soulaiman Raissouni dans l'épreuve qu'il traverse». L’occasion d’exhorter le journaliste à suspendre sa grève de la faim entamée depuis plus de 90 jours. L’ONG exprime aussi «sa ferme condamnation de cette décision injuste et sa condamnation du recours continu de la justice pour se venger et régler des comptes politiques et en tant que moyen d'intimidation, de répression et d'abus pour faire taire toutes les voix libres».

L’association a également appelé à un «pouvoir judiciaire libre, impartial et véritablement indépendant», tout en invitant les instances des droits humains à «massivement participer» au sit-in prévu ce samedi dans plusieurs villes en solidarité avec Raissouni et les autres «détenus politiques et d’opinion» au Maroc.

Réagissant à ce verdict, Driss Radi, père du journaliste Omar Radi également détenu depuis l’année dernière, a pointé un «verdict politique», ajoutant que la «crédibilité» de Raissouni augmentera avec cette décision. «Ne t’en fais pas mon camarade, tu es dans notre cœur et ceux des libres», a-t-il conclu.

L’avocat Mohamed Ennouini a dénoncé, sur sa page Facebook, un «procès dans lequel tous les principes et règles stipulées dans les lois nationales et les pactes du droit international ont été violés». Critiquant l'absence totale de garanties d'un procès équitable», il est revenu sur l’absence du journaliste à son propre procès, en rappelant que «malgré l’insistance de la défense à ce que le journaliste soit présent, en mettant à sa disposition une chaise roulante et une ambulance, étant en grève de la faim depuis plus de 90 jours, le tribunal et l'administration pénitentiaire n'ont pas favorablement répondu à sa demande».

Un «scandale» et une «peine très sévère et injustifiée»

Deux membres du mouvement Al Adl Wal Ihsane ont également réagi au verdict rendu hier à l’encontre de l’ancien rédacteur en chef du journal Akhbar Alyaoum. Ainsi, Hassan Bennajeh a qualifié de «scandale» le verdict rendu par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Casablanca. «La salle 7 de la Chambre d'appel restera le témoin de l'un des procès surréalistes les plus importants au cours de laquelle la loi et la justice ont été exécutées sans pitié. Le jugement contre le journaliste Soulaiman Raissouni (…) est un verdict contre la liberté d'expression et contre la presse, et confirme le choix de faire taire les voix libres», dénonce-t-il.

Le membre de la Jamâa a pointé une décision «injustifiée» et des «violations» des droits du journaliste. «C’est regrettable et ce jour restera marqué par ce grand scandale à l’encontre de la justice», conclut-il.

Pour sa part, Mohammed hamdaoui, responsable des relations extérieures d’Al Adl Wal Ihsane a estimé que cette peine reste «très sévère et injustifiée», rappelant que le journaliste «est dans un très mauvais état de santé, en raison de sa grève de la faim continue». Qualifiant l’affaire de «banale» et «ne contenant aucune preuve convaincante», il pointe une affaire de «règlement de compte avec l’épée de la justice».

«Ce jugement exprime l'errance qui a affligé l'esprit du Makhzen alors qu'il emploie tous ses artifices pour livrer une bataille majeure à un citoyen sans défense qui l'a dérangé avec sa parole libre et inébranlable (…) au lieu de mener la bataille du vrai développement, pour établir un état de dignité, de liberté, de justice sociale, d'honnêteté, d'intégrité et de la lutte contre la corruption.»

Mohammed hamdaoui

A rappeler que Christophe Deloire, Directeur général de Reporters sans frontières (RSF), qui s'est déplacé au Maroc pour assister au procès de Raissouni, a réagi vendredi au verdict, en affirmant que «cette décision survient à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités manifestes». «Nous demandons instamment que Raissouni soit libéré dans l’attente d’un procès en appel. Après une grève de la fin aussi longue, il y va de sa survie. Il mérite un procès équitable», a-t-il ajouté.

En mai 2020, Soulaiman Raissouni a été arrêté, puis placé en garde en vue suite à une plainte déposée contre lui par un jeune homme se déclarant homosexuel. Le rédacteur en chef d'Akhbar Alyaoum a été accusé d’«agression sexuelle» pour des faits remontant à fin 2018. Depuis son interpellation, il était en détention en attendant son procès et mène, depuis début avril, une grève de la faim.