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Italie : Un dirigeant syndical marocain tué «intentionnellement» lors d’un sit-in de grève

A 37 ans, Adil Belakhdim a été tué vendredi dans le nord de l’Italie, alors qu’il se préparait à un sit-in des travailleurs en logistique de Lidl à Biandrate. Le syndicaliste d’origine marocaine a payé les frais d’une escalade de violence visant les salariés, selon sa centrale.

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Adil Belakhdim, travailleur en logistique et coordinateur syndical (Cobas) / DR.
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D’origine marocaine, le coordinateur interrégional syndical de la Confédération des comités de base (Cobas) à Novara (nord d’Italie) a été tué, vendredi matin, par un camion qui a foncé sur un rassemblement de grève nationale organisée par sa centrale, en présence des travailleurs en logistique de Lidl à Biandrate. Adil Belakhdim, 37 ans et père de deux enfants, aurait été traîné sur plusieurs mètres par le véhicule qui a forcé le sit-in. Le chauffeur aurait écrasé la victime sans s’arrêter pour lui porter assistance. Malgré les efforts de réanimation par les secours dépêchés sur place, Adil a succombé à ses blessures. Ce samedi, plus de 15 000 personnes ont manifesté dans le cadre de la grève, profitant de l’occasion pour dénoncer le drame.

Selon un communiqué du syndicat, deux autres ouvriers ont été blessés dans les mêmes circonstances, nécessitant leur hospitalisation. Le rassemblement de vendredi était constitué d’une quinzaine de travailleurs, qui se préparaient pour une manifestation. Les carabiniers ont arrêté le mis en cause, qui se trouvait alors au niveau de l’autoroute. Le site d’information Il Messagio a rapporté que le chauffeur fait l’objet d’une enquête pour «meurtre sur la route, résistance et manque d’aide aux carabiniers et à la police d’Etat».

Pour sa part, SiCobas considère que la mort d’Adil Belakhdim «n’est pas un accident» mais un acte «intentionnel», dans un contexte de tensions croissantes à l’encontre des ouvriers syndicalisés à Biandrate. Décrivant cette atmosphère, le syndicat a publié des vidéos montrant que ses membres ont précédemment été pris à partie dans des violences physiques, lors de la tenue de leurs rassemblements.

La veille de la grève, Adil Belakhdim a envoyé une dernière note vocale de mobilisation pour ses camarades. «Tôt demain matin, nous serons tous en première ligne pour le sit-in (…) Demain soir, vers minuit, il y aura un bus pour Rome, car nous avons décidé d’aller aussi à la manifestation de la capitale (…) Je vous invite également à participer, car vous apprendrez beaucoup de choses sur l’organisation», déclarait-il. A la suite du drame, une grève immédiate a été annoncée pour tous les employés du site, vendredi, samedi et dimanche.

Des hommages à Adil Belakhdim et un appel à une réponse «immédiate»

Le syndicat a dénoncé une escalade de violence devenue meurtrière, tout en annonçant le lancement d’une opération de collecte de fonds pour soutenir la famille du défunt, son épouse italienne et ses deux enfants, qui ont appris le drame durant leur séjour estival au Maroc auprès de la famille paternelle. Rendant hommage à l’engagement d’Adil Belakhdim, SiCobas a rappelé notamment le rôle du jeune coordinateur et ses initiatives en faveur d’un rapprochement avec «le plus grand syndicat au Maroc», auprès duquel il a organisé une visite dans le royaume avec une délégation de sa centrale. «A seulement 37 ans, il avait livré de nombreux combats, toujours avec la même ténacité. Il n’a pas abandonné, même face aux plus grands défis», a témoigné à Italy24 News Fulvio Di Giorgio de Cobas.

De son côté, le Premier ministre Mario Draghi a exprimé sa tristesse, déclarant qu’«il est nécessaire que la lumière soit immédiatement faite sur ce qui s’est passé». Le ministre italien du Travail et des politiques sociales, Andrea Orlando, a souligné pour sa part que «la mort tragique du syndicaliste Adil Belakhdim est survenue dans des circonstances qui doivent être clarifiées immédiatement». «Dans le secteur de la logistique, nous assistons à une escalade intolérable d’épisodes de conflits sociaux qui nécessitent des réponses urgentes», a-t-il insisté, en exprimant son soutien à la famille de la victime.

Le jour des faits, la mort d’Adil a fait réagir des parlementaires. Membre du Sénat et présidente du groupe du parti de Gauche italienne, Loredana De Petris a appelé aussi à «une réponse immédiate». «Nous ne sommes pas aux Etats-Unis des années 1930 et nous ne permettrons pas que cela se produise. Il est du devoir du gouvernement d’intervenir immédiatement avec la plus grande rigueur pour éviter que ces attentats ne se reproduisent», a-t-elle plaidé.

article_updated 20/06/2021 a las 01h40