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2020, la «gripette» devenue une pandémie plus meurtrière que le Sida [Edito]

De 2020, nous pouvons retenir deux choses : notre confort peut voler en éclat comme un fétu de paille, et le déni face à un danger planétaire qui fauche de nombreuses vies.

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«Matgoulilyach bounani !» ; ne me dit pas bonne année ! C’est par la reprise de cette séquence vidéo devenue un même légendaire au Maghreb que l’année 2020 a débuté. Personne ne prévoyait alors que la rigolade des premiers jours allait se transformer en angoisse ou en pleurs le reste de l'année. Si l’épidémie faisait déjà des ravages à Wuhan, dans le lointain Empire du Milieu, les Marocains ne s’inquiétaient que pour leurs compatriotes étudiants coincés par le confinement de la ville et la suppression des vols avec la Chine.

Ce n’est qu’après la multiplication des cas en Europe et les premiers cas importés d’Italie que le Maroc commencera à prendre conscience du danger de cette épidémie devenue pandémie. La suite, vous la connaissez. Notre vie quotidienne, nos projets, notre rapport aux loisirs, nos relations familiales, sociales et professionnelles, tout a été chamboulé du jour au lendemain. Le ciel nous est tombé sur la tête. Et tous les spécialistes et responsables politiques qui sous-estimaient la gravité de l’épidémie chinoise, parlant même de simple «gripette», ont contribué à anesthésier la capacité de réaction des systèmes sanitaires nationaux. Sur le plan de la réactivité, il est lieu de noter que la traditionnelle avance des pays développés sur le reste du monde a été contredite. On peut évidemment comparer le cas du Vietnam à celui des Etats-Unis, mais les pays africains ou du Moyen-Orient ont été aussi réactifs si ce n’est mieux que certains pays européens.

De l'humilité face aux «gripettes»

La «gripette» est donc devenue une pandémie trois fois plus meurtrière que la grippe, tout en grippant l’économie mondiale et en confinant la vie de milliards d’être humains. La «gripette» avec ces 1,8 million de morts, a tué plus du double de personnes que le Sida dans le monde, selon les chiffres de l’ONUSIDA. Alors que le SARS-CoV-2 n’a qu’un an d’âge, il est aussi meurtrier que la période paroxystique du VIH (entre 1,8 et 1,9 million de décès annuels entre 2002 et 2007).

Ce bilan meurtrier n’a pas empêché les théories conspirationnistes sur le «poison» des masques comparés à un bâillon pour museler les voix «courageuses» qui n’ont jamais été aussi bavardes sur les réseaux sociaux et parfois même dans les rues de certains pays occidentaux. Surnommés les «rassuristes», ils étaient un peu contre toutes les mesures de précaution, certains que le virus avait pris un coup de soleil estival. Les mêmes qui ont continué à défendre la prescription de l’hydroxychloroquine combinée à l’azithromicyne malgré la série d’études scientifiques démontrant son inefficacité, et malgré une mortalité dans la moyenne mondiale pour des pays ayant adopté massivement le protocole du Pr Raoult à l’instar du Maroc.

Ni remède miracle, ni homme providentiel

Mais il y a eu des remèdes miracles bien plus originaux, qui confineraient au comique s’ils n’étaient pas dramatiques pour les populations. Des inhalations d’infusions de cannelle et clous de girofle qui tuent 70 à 80% du virus de la Covid-19 selon Mohamed Faid, à l’absorption de méthanol qui a tué en Iran et d’autres pays d’Afrique en passant par les injections de javel en intraveineuse préconisées par Dr. Donald Trump (himself). Sans oublier les remèdes d’herboristes sur Youtube à base de graine de nigelle et de miel ou la tisane à l’artémisia vantée par le président malgache (himself bis). 

D’abord un déni face à un danger planétaire, puis la croyance en un remède miracle malgré l’absence de preuves scientifiques, et enfin le conspirationnisme aidé en cela par les mensonges et les dysfonctionnements des politiques et/ou des autorités sanitaires, ont profondément affaibli l’immunité des pays pour faire face à ce virus qui ne connaît ni saison, ni échéance électorale. La situation de la France est à ce titre particulièrement symptomatique, avec le déni de la crise sanitaire qui frappait de l’autre côté des Alpes en février, le mensonge sur les masques, l’impréparation face à la deuxième vague et l’étrange lenteur du démarrage de la campagne de vaccination dans un contexte marqué par le succès des antivax.

Si l’année 2020 s’est terminée sur une note d’espoir avec le début de la campagne de vaccination dans plusieurs pays, 2021 démarre avec une inquiétude qui nous vient du Royaume-Uni, avec cette nouvelle souche qui semble plus infectieuse et qui touche plus les enfants. Face au rythme intenable du stop and go du confinement/déconfinement, l’espoir repose sur une vaccination qui prenne de vitesse le virus SARS-CoV-2 qui se mute en Speedy Gonzales.