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Amekraz, Israël et le Hezbollah : Opération commando du PJD ou initiative personnelle ? [Edito]

Mohamed Amekraz s'est mouillé en étant le premier ministre du gouvernement El Othmani à marquer son rejet de la normalisation entre le Maroc et Israël, annoncée par le roi Mohammed VI. Comble du panache, il l'a fait sur une chaîne pro-Hezbollah.

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Mohamed Amekraz, ministre du Travail et de l’insertion professionnelle / DR
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Quelle mouche a piqué Mohamed Amekraz, ministre du Travail et de l’insertion professionnelle ? Celui qui est également secrétaire général de la jeunesse du PJD a accordé un entretien polémique à Al Mayadeen, une chaîne télé proche du Hezbollah.

Pourtant, ce média soutien du mouvement libanais pro-Iranien est aux antipodes de l’idéologie de son parti. Mais il représente aussi et surtout la zone rouge diplomatique pour le Maroc. En 2018, Rabat a rompu ses liens diplomatiques avec Téhéran, en raison du soutien armé «des milices du Hezbollah libanais au Polisario». «Le Maroc est en effet en possession d’informations sur l’implication avérée de la milice chiite libanaise dans l’entrainement des éléments du mouvement séparatiste», avait justifié Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères.

L’Iran qui reconnaît le Polisario depuis 1980 et le Hezbollah ont d’ailleurs commenté avec véhémence l’annonce de la normalisation entre le Maroc et Israël, sous le patronage des Etats-Unis. C’est «une trahison au monde islamique et de la cause palestinienne», a ainsi martelé Ali Akbar Wilayati, le conseiller des Affaires étrangères du guide de la république.

Un ministre PJD sur TV Hezbollah

Comment un ministre en exercice a-t-il pu ignorer ce passif pour commenter une décision de politique internationale royale sur un média porte-voix du Hezbollah ? Mohamed Amekraz a en effet estimé que «les Marocains ont été surpris par la décision de normalisation des relations avec Israël», ajoutant que la position de son organisation «sur cette normalisation et sur le reste des questions liées à la cause palestinienne est claire et sans ambiguïté».

«Nous exprimons ainsi la position historique de la jeunesse du PJD qui est la position de tous les Marocains.»

Mohamed Amekraz

Si la position d’Amekraz traduit avec fidélité la ligne de la jeunesse du PJD calquée sur celle du mouvement de prédication (MUR)la direction du parti islamiste s’est voulue plus prudente en se disant «mobilisée derrière Sa Majesté et sous sa direction avisée afin de consolider la souveraineté du Maroc sur ses provinces du sud et soutenir le processus visant à faire face aux manœuvres des opposants à l'intégrité territoriale et aux acquis de la diplomatie marocaine réalisés sous la direction de Sa Majesté».

Baroud d'honneur ?

Alors, répartition des tâches au sein du parti ou reflet de l’écart grandissant entre la base et la direction du PJD ? Dans sa sortie médiatique remarquée, Mohamed Amekraz ne pouvait ignorer la portée symbolique d’un ministre PJD sur une chaîne télé pro-Hezbollah. Malgré sa prudence du départ, les propos tenus d’un ministre ne peuvent qu’entrer en confrontation directe avec la ligne diplomatique marocaine, une prérogative royale.

Si le plus jeune ministre pjdiste a été envoyé en opération commando pour tenir en équilibre la position de funambule du parti islamiste, la direction a probablement estimé que ce fusible était vital pour éviter un court-circuit complet au sein du parti déjà traversé par des tensions quant à son rôle de faire-valoir au sein du gouvernement. Si par contre, la sortie médiatique constituait une initiative personnelle du ministre du Travail déjà épinglé pour des fraudes aux cotisations CNSS des employés de son cabinet d’avocats, la réaction du PJD ne saurait se faire attendre, pour éviter au disjoncteur de sauter pour les errements d'un jeune ministre.

Dans les deux cas, un limogeage semble inévitable pour marquer les limites de l’outrecuidance politique d’un membre du gouvernement. Et en la matière, c’est l'ancien ministre français, Jean-Pierre Chevènement, qui en 1983 a tracé la ligne de crête en cas de désaccord avec la politique de son gouvernement : «Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne !»