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Diaspo #166 : Sami Fadel, un Sahraoui qui réalisera son rêve d’enfance aux Etats-Unis

Après avoir cru son rêve de devenir ingénieur au Maroc s'évaporer, Mohamed Fadel Sami Essolh le concrétisera finalement aux Etats-Unis. Ironie du sort, il travaillera au siège central d'une société américaine dont la succursale au Maroc avait précédemment ignoré sa demande de stage.

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Mohamed Fadel Sami Essolh est devenu responsable régional au sein du groupe américain Procter & Gamble. / DR
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En 2005, Mohamed Fadel Sami Essolh immigre aux Etats-Unis après avoir participé à la loterie pour la Green Card mise en place par le pays de l’Oncle Sam. Pour lui, c’était surtout un séjour permanent qui lui permettra de réaliser son rêve d’enfance.

Petit, il rêvait de devenir ingénieur, d’où le choix, depuis ses études, de se spécialiser dans l’électricité industrielle. Né dans la ville de Guelmim en 1984, le jeune homme persuade même ses parents de déménager à Agadir pour qu’il puisse obtenir son baccalauréat. Après des études primaires et collégiales entre Guelmim et Laâyoune, ce Marocain ne pouvait pas aller plus loin dans la branche choisie ; les provinces sahariennes ne disposant pas, à l’époque, d’un lycée technique.

Un rêve inachevé au Maroc

«Mon objectif était de poursuivre mes études dans les classes préparatoires. J'ai donc envoyé mon dossier pour étudier en France, mais j'étais en retard pour obtenir un visa, et mon rêve de devenir ingénieur était presque perdu», confie-t-il à Yabiladi. «J'ai vu mon rêve s’évaporer. Je me suis donc inscrit à l'École supérieure d'enseignement technique de Mohammedia où j'ai étudié pendant deux ans», raconte Sami.

A la fin de son cursus, il décide d’effectuer un stage. Il choisit la succursale casablancaise de Procter & Gamble, l’un des leaders de fabrication de produits de consommation. «Le vigile m'avait empêché d’entrer en me demandant de lui laisser une copie de mon CV mais ils ne m’ont jamais recontacté», raconte Sami.

C’est à la fin de cette année de recherche de stage que son nom figurera parmi les heureux élus de la loterie pour immigrer aux Etats-Unis. Une fois à New York, son rêve d'enfance de devenir ingénieur renait lorsqu’il apprend que le système éducatif aux États-Unis est différent de celui du Maroc.

Cependant, sa mésaventure avec le vigile au Maroc va prendre le chemin d'une malédiction. Après son arrivée à New York, il effectue ainsi une recherche sur Internet avant de se rendre dans une université en quête de renseignements.

«Je ne parlais pas couramment l'anglais et le gardien de sécurité m'a demandé de lui fournir une pièce d'identité pour entrer. Je n'avais pas compris et je lui avais remis mon passeport. Il m'avait alors demandé de m’en aller. Je m’étais assis devant l’université en regardant les étudiants qui entraient et sortaient, et en me disant : un jour, j’entrerai dans cette université.»

Mohamed Fadel Sami Essolh

Surmonter les obstacles linguistiques et financiers pour réussir

Un jour il étudiera dans cette université, enfin si les moyens financiers sont réunis. En effet, les frais de scolarité étaient trop élevés pour ses maigres économies. Il commence alors à travailler comme chauffeur de taxi, parallèlement au travail dans plusieurs restaurants. «J'avais l'habitude de voir toutes les professions que j'exerçais comme de simples boulots temporaires en attente de la réalisation de mon rêve», se souvient le Sahraoui.

Trois ans après son arrivée aux Etats-Unis, Sami rencontre d’autres étudiants marocains qui l'orientent pour continuer ses études. Ainsi, en 2008, il intègre la City College of New York, tout en continuant à travailler en parallèle.

Avec d’autres compatriotes, Sami crée aussi un «Groupe des Marocains à New York» afin de «partager des expériences et des idées» et mettre en contact des Marocains installés dans cette ville. «C'était une expérience merveilleuse, et même si nous avons quitté New York, le groupe continue de s'entraider et est devenu très connu», assure-t-il, fier d’avoir contribué à la création de ce réseau.

Ce n’est toutefois qu’en 2012 que son rêve devient enfin réalité. Devenu ingénieur, il intègre d’abord une entreprise chargée d'approvisionner New York en gaz et en électricité. Mais quelques mois plus tard, le destin offrira à Sami la possibilité d'intégrer la société mère de la succursale marocaine qui lui avait ignoré sa demande de stage. Il devient ansi employé du groupe Procter & Gamble, présent dans plus de 80 pays.

Avec John Carnell, gouverneur de Delaware. / DRAvec John Carnell, gouverneur du Delaware. / DR

Il y travaille ainsi comme ingénieur dans sa succursale du Delaware avant de déménager, quatre ans plus tard à Cincinnati, dans l’Etat de l’Ohio, où il a assumé la responsabilité technique de six usines. Au cours de huit années de travail, Sami a pu acquérir de l'expérience dans deux des secteurs les plus importants de l'entreprise (Baby Care & Family Care). Cela lui a aussi permis de grimper les échelons.

Son travail ne l'a pas empêché d’œuvrer dans le monde associatif, puisqu'il s'est vu confier le rôle de représentant de la communauté musulmane dans la gestion d'un refuge pour les sans-abri dans le Delaware de 2014 à 2017.

S’intégrer tout en préservant son appartenance religieuse et culturelle

Et parce que de nombreuses situations douloureuses restent gravées dans son esprit, Sami n’oublie pas certains incidents. «Lors de la fin du mandat d'Obama et la montée en puissance de Trump, j'ai été victime du racisme dans un magasin bien célèbre» aux Etats-Unis, nous raconte-t-il. «Une employée m’avait insulté et quand son manager est venu, il avait lui aussi agi froidement. L'employée affirmait que c'était moi qui l'avais agressée même si j’avais fourni un enregistrement audio», se rappelle-t-il.

«Après cet incident, j’ai immédiatement saisi une organisation gouvernementale qui surveille les droits de l'Homme et j'ai déposé plainte. Je n'avais pas désigné d'avocat pour me défendre car je voulais le faire moi-même. Les audiences se sont poursuivies pendant deux mois mais j’ai finalement gagné.»

Mohamed Fadel Sami Essolh

Sami avait demandé à ce que l’employée qui l’a agressé soit punie et que les employés soient formés pour ne plus avoir de comportements racistes à l’égard des clients, ce que la cour approuvera. «Le magasin a mis en place des formations pour ses 250 employés», explique le Marocain.

«Malgré certaines attitudes racistes qui apparaissent de temps en temps, à l'égard de certains migrants, le système américain en général veille à la justice sociale et établit la dignité des citoyens américains, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse», reconnait-il.

Il rappelle à cet égard que la plupart de ces attitudes sont «le résultat du manque de connaissances sur les particularités et la culture des autres peuples».

«En tant qu’immigrés nous devons nous intégrer, sans renoncer à notre culture d'origine et notre religion. Nous ouvrons ainsi la voie aux générations futures.»

Mohamed Fadel Sami Essolh

Les racines sont un élément constituant du Sahraoui. Père de jumeaux de trois ans, Sami reste très attaché à son pays d’origine : «Je visite le Maroc au moins une fois par an puisque toute ma famille est installée dans les villes du Sahara.»